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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 47.djvu/18

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gens respectables, j’irai arrêter l’appartement sans retard. Le loyer n’est pas au-dessus de ce que j’y pense mettre. »

Je connaissais parfaitement l’habitation, ainsi que les gens dont elle parlait, et je pus lui garantir l’honnêteté parfaite de ces derniers; mais leur maison était bien éloignée, bien incommode,..

« Voilà justement, dit Nettie me coupant la parole, voilà un des motifs qui lui valent mes préférences. Cette incommodité dont vous parlez, nous y sommes faits, et je ne vois pas que nous ayons fréquemment à venir en ville... C’est donc chose arrêtée... Et maintenant pourquoi le lunch n’est-il pas sur table?... Je l’avais demandé pour une heure; il est une heure et demie... Sonnez, Fred !... C’est ainsi que se perd le temps... Vous, docteur Edward, veuillez vous asseoir. Puisque votre drag est à la porte, vous me conduirez, dès que nous aurons fini, chez ces braves gens, avec lesquels je veux conclure très décidément. »

Devant ces déterminations si nettes, ces ordres si péremptoires, personne ne songeait à répliquer. Moi-même, bien que mes griefs me fissent hésiter à prendre ma part de ce repas de famille, je ne vis pas moyen de refuser à Nettie le service qu’elle me demandait. Depuis qu’elle était là, tout marchait vite et bien. Présidant au repas, elle maintenait dans l’ordre et le silence les trois démons qui naguère encore avaient failli mettre ma patience à bout. Elle faisait la part à Susan comme aux enfans; elle assignait à Fred ce qui était le meilleur pour lui. Jamais je n’avais vu tant de prestesse dans les mouvemens, tant d’autorité dans le maintien, jamais entendu de voix aussi douce et en même temps aussi nette. Elle me parlait d’ailleurs avec une confiance dont j’étais touché. Aussi me sentis-je peu à peu des dispositions plus conciliantes. Et pour rompre la glace entre mon frère et moi, je lui rappelai certains objets, à lui appartenant, qu’il avait omis de déménager.

« C’est vrai, dit Fred avec confusion... Cette arrivée de mistress Rider a été si imprévue... Sans cela, croyez-le bien, je vous aurais prévenu... Nettie...

— Nettie, interrompit ici la femme de Fred, a été d’avis qu’il valait mieux partir sur-le-champ et sans écrire d’avance...

— A quoi servait d’écrire? s’écria la petite personne. N’aviez-vous pas écrit six mois de suite sans obtenir une seule réponse de Fred?... Avec vos anxiétés sur son sort, vos inquiétudes sur sa santé, vous tourmentiez, vous rendiez malheureux tous ceux qui vous entouraient... Je savais parfaitement, quant à moi, qu’il se portait à merveille et n’engendrait pas le moindre souci... Mais à quoi bon? il eût fallu persuader Susan. Ceci étant impossible, nul autre remède que de l’amener ici... N’est-ce pas, docteur Edward?