Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 47.djvu/220

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

déployait le long du seuil en mosaïque. Les quatre murs étaient cou- verts de peintures encore très fraîches et parfaitement conservées; celle du milieu, qui fait face à l’entrée, attire d’abord le regard et le retient longtemps : c’est un Hercule vaincu par l’ivresse et l’amour. Il y règne trois groupes très distincts, liés pourtant par une pensée commune. Au premier plan gît Hercule, revêtu de cette teinte cuivrée que les peintures pompéiennes et probablement aussi les autres peintures antiques donnaient aux hommes faits. La blancheur de la peau n’est attribuée qu’aux hommes ou aux dieux jeunes et aux femmes. Hercule donc, un Hercule basané, portant au front une couronne et au bras comme une chaîne de lierre, à peine vêtu d’une tunique basse et courte, adossé contre un cyprès, assis et accoudé sur le sol, renverse sa tête en arrière. Une de ses mains se lève lourdement et tâche de faire claquer ses doigts, geste d’insouciance et d’allégresse. L’autre main ne peut retenir une coupe d’où le vin se répand. Autour de lui lutinent de jolis petits amours ailés; l’un joue avec la couronne de lierre, l’autre amène à lui la coupe qui s’épanche; ceux-ci dansent sur un autel dédié à Bacchus en portant à quatre le carquois du demi-dieu; ceux-là, tirant des cordes ou réunissant toutes les forces de leurs bras, cherchent à soulever la massue. C’est une scène très vive et franche, qui saute aux yeux, mais déjà connue; un camée célèbre et d’autres pierres l’avaient popularisée depuis longtemps. A gauche et en arrière, trois jeunes femmes aux seins nus, groupées sur une hauteur au pied d’une colonne, regardent glorieusement le dieu désarmé; l’une d’elles, assise et tenant en main le flabellum de Vénus, est peut-être Omphale. Enfin à droite, plus haut encore et sur le dernier plan, le dieu Bacchus, jeune et blanc, satisfait, tranquille, entouré de bacchantes et de faunes dont l’un tient le bras levé en signe de triomphe, préside à la fête en vainqueur. Le drame est complet et vivant : c’est bien la clarté, la fraîcheur antiques!

La peinture à droite nous rappelle la visite de Thétis à Vulcain dans le XVIIIe chant de l’Iliade : « Je t’en conjure, a dit la déesse au long voile et aux pieds d’argent, donne à mon fils, à ce fils qui doit si peu vivre, donne-lui un casque, une cuirasse, un bouclier, d’élégantes cnémides que retiendront de belles agrafes, car son armure a été enlevée par le Troyen vainqueur, et lui cependant reste étendu sur la poussière, plongé dans la tristesse. » Aussitôt Vulcain s’est mis à l’œuvre, et au moment où le peintre pompéien nous le représente, il a déjà fini le merveilleux bouclier, « vaste et solide, qui figure tous les signes dont le ciel est couronné. » Encore armé du marteau et des tenailles, il montre à Thétis ce chef-d’œuvre improvisé pendant sa visite, et une jeune femme ailée, sans doute la belle Charis, épouse du dieu difforme et parée de bandelettes, explique