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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 47.djvu/255

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quent pas dans cet ensemble de reprises : Don César de Bazan, Perrinet Leclerc Antony, le More de Venise de Shakspeare, traduit par M. Alfred de Vigny… Que de noms et que de choses dont la rencontre avec les pièces de l’ancien répertoire eût mis en émoi nos aînés, et nous laisse indifférens ! Si nous prenons les pièces nouvelles, qu’apercevons-nous en laissant de côté le gros des productions dramatiques ? Encore l’étude classique de rigueur au théâtre de l’Odéon, la légende fabuleuse de Niobé, traitée largement du moins, et en beaux vers, par M. Alphonse Schmidt, un jeune écrivain qui promettait d’être un homme de talent, et qui vient de mourir: encore la pièce romantique, la pièce de 1830, ressuscitée en 1863 dans le drame en vers de M. Louis Bouilhet, Dolorès, joué par la Comédie-Française devant un public insouciant. Puis voici que ce public, réveillé par l’annonce d’un spectacle plus neuf, court voir les Ganaches et le Fils de Giboyer. Le reste n’était qu’une série d’intermèdes : bon gré, mal gré, ces deux pièces, où l’homme du jour est peint avec plus ou moins d’exactitude, absorbent et retiennent l’attention générale ; bon gré, mal gré, Paris les discute, les applaudit ou s’en moque avec passion. Elles reflètent, vaille que vaille, l’état de la société : c’en est assez pour emporter le prix.

L’année 1863 ne diffère de l’année 1862 que par les titres et, par l’agencement des pièces ; au fond, c’est toujours la même lutte, la même guerre intestine entre le romantisme en déroute et la réalité moderne qui triomphe. En vain M. Jules Lacroix arrange pour l’Odéon une traduction en vers de Macheth, en vain le théâtre de la Porte-Saint-Martin reprend le Don Juan de Marana et le Charles VII de M. Alexandre Dumas ; en vain la Comédie-Française reprend le Louis XI de Casimir Delavigne, œuvre hybride où l’influence classique et l’influence romantique se combattent en voulant s’entr’aider ; en vain l’on découpe dans le livre de M. Vitet les pages où revivent les scènes des États de Blois, pour en extraire la matière d’un long drame au profit de l’Ambigu : le public réclame autre chose. Le moindre grain de réalité ou de nouveauté lui plaît davantage. Ce qui l’intéresse en 1863, c’est le Mariage d’Olympe, dont la reprise est comme un défi jeté par M. Émile Augier aux critiques dirigées contre lui pour certaines hardiesses de situation ou de langage ; c’est une pièce intitulée les Médecins, qui se recommande, bien que languissante et médiocre, par une velléité d’étude sérieuse ; c’est le Démon du Jeu, de M. Barrière, qui déroule devant nous toutes les péripéties d’une action essentiellement dramatique, en profitant de la chronique du jour ou de la veille, pour entrer dans le vif de nos mœurs ; c’est encore Un Homme de rien, de M. Aylie Langlé, qui révèle dans un cadre semi-anecdotique, semi-historique, quelques qualités d’esprit et une certaine intelligence de la scène. Un Homme de rien, les Médecins, le Démon du Jeu, telles sont donc les trois pièces qu’il faut examiner de plus près.

L’auteur d’Un Homme de rien a voulu exposer l’histoire ou mieux le roman de Sheridan, depuis les tribulations du pauvre étudiant jusqu’aux