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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 47.djvu/292

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ceux du Kamper-Eiland. Vue de la mer, cette île, qui n’est que le delta de l’Yssel, offre l’aspect le plus singulier. Comme le sol, parfaitement horizontal, s’élève à peine au-dessus du niveau de la mer, il devient invisible à quelque distance, et les grandes fermes, toutes entourées de magnifiques bouquets d’arbres, semblent autant d’îlots de verdure flottant sur les flots, comme ceux que le Mississipi ou l’Amazone entraînent dans leur cours. La petite ville de Kampen est relativement la plus riche des Pays-Bas. Récemment encore elle a accordé à la compagnie du Grand-Central néerlandais un subside d’un million de florins pour qu’un embranchement du chemin de fer la reliât au réseau principal, et elle s’est donné le luxe d’un pavage si soigné que chaque pavé revient, dit-on, à un florin. Située jadis à l’embouchure de l’Yssel, elle a vu la rivière qui baigne encore ses quais combler peu à peu le golfe où elle déversait ses eaux et lui créer un magnifique domaine agricole de 5,000 hectares des plus admirables terres qu’on puisse imaginer. Le prix de location de ces terres a triplé en quelques années, et elles sont louées maintenant en moyenne à 200 francs l’hectare[1]. L’étendue des fermes est de 40 à 50 hectares. Tout ce qu’elles produisent, le foin, le beurre, le bétail, est de première qualité, et les fermiers l’obtiennent sans grand’peine. Les trois semaines que dure la fenaison sont le seul temps où ils aient à déployer une activité inaccoutumée. Le reste de l’année, la fermière suffit à surveiller le travail de la laiterie, qui donne le principal produit; mais les agronomes hollandais prétendent que, pour faire face aux hauts loyers qu’ils ont consentis, les cultivateurs du Kamper-Eiland devront à l’avenir renoncer aux doux loisirs que leur faisait la fertilité du sol et s’ingénier à accroître leur bénéfice en améliorant encore leur bétail et en substituant, au moins partiellement, pour les vaches à lait, la nourriture à l’étable au pâturage en liberté.

Afin de marquer davantage les caractères distinctifs de la région des terres basses, j’indiquerai encore le parti que ses industrieux habitans savent tirer de certaines plantes aquatiques partout ailleurs négligées. Lorsqu’au mois de mai on examine la végétation qui tapisse le fond des fossés, on distingue aussitôt une plante aux formes étranges. On dirait un artichaut aux feuilles rondes et terminées en épines. Plus tard, la plante se détache du fond, sa tige s’allonge, et elle vient étaler à la surface de l’eau de charmantes fleurs blanches à la triple pétale des monocotylédonées. C’est le stratiotes aloides, l’aloès des eaux, que les Hollandais nomment scheren et kaarden.

  1. Le 27 avril 1859, soixante-treize fermes furent mises en location publique, et pour la plupart le prix fut doublé. Voici un exemple de cette rapide augmentation : la ferme n° 1, d’une étendue de 54 hectares 73 ares, louée en 1846 pour 1,500 florins, atteignit 2,130 florins en 1850 et-4,710 florins en 1859.