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L’INSTRUCTION PRIMAIRE
et les
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I.

Quand le suffrage universel fut établi en 1848, tout le monde se dit : « Puisque voilà tous les Français électeurs, il faut se hâter de faire en sorte que tous les Français sachent lire. » Personne ne le dit plus haut que M. de Falloux, qui n’avait pas à s’imputer d’avoir modifié notre système électoral. « L’exercice du suffrage universel, écrivait-il dans un rapport au président de la république[1], est indissolublement lié à l’application d’un vaste système d’éducation populaire. » Il parut si absurde de conférer le droit de suffrage à des citoyens absolument illettrés, que plusieurs membres républicains de l’assemblée constituante proposèrent d’obliger les électeurs à écrire de leur propre main leur vote sous les yeux du bureau[2].

La France jouissait alors, on s’en souvient, d’une ample liberté de parler et d’écrire, surtout pendant les élections. Nous avons encore, à quelques restrictions près, la liberté d’écrire, vingt jours d’assez grande liberté tous les six ans ; mais il devient très difficile aux candidats de parler, ou du moins de parler publiquement. On ne tolère plus que des réunions publiques de moins de vingt personnes, ou quelque conciliabule d’amis dans le salon d’un électeur. Que devient dans ces conditions le Français illettré, qui n’a été in-

  1. Moniteur du 4 janvier 1849.
  2. Séance du 15 février 1849.