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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 47.djvu/368

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dépensé 91,000 francs, publié 88,113 exemplaires d’ouvrages divers, et fondé 81 bibliothèques. Il convient d’ajouter que ces ouvrages publiés par les protestans et les catholiques sont le plus souvent de très minces brochures, et qu’il en tombe un très grand nombre dans les mêmes mains.

Il ne s’était pour ainsi dire rien fait jusqu’à ces dernières années en dehors des associations religieuses. Une société s’était fondée en 1850 sous le titre d’Association universelle pour la fondation des bibliothèques communales. Le ministre de l’intérieur l’avait recommandée aux préfets dans une lettre insérée au Moniteur du 31 mai. Elle a avorté. La Société pour l’instruction élémentaire, fondée en 1815 sous l’inspiration de Carnot, et qui a eu longtemps à sa tête M. de Lasteyrie, a suscité de bons livres par ses encouragemens ; mais elle ne se charge pas de les répandre elle-même. C’est seulement depuis trois ans qu’on peut constater un véritable mouvement en faveur des bibliothèques populaires. Trois faits principaux le caractérisent : une circulaire de M. Rouland, ministre de l’instruction publique, en date du 26 juin 1860 ; l’autorisation accordée à la Société Franklin par le ministre de l’intérieur le 19 septembre 1862, et enfin la fondation de bibliothèques populaires dans plusieurs des arrondissemens de Paris.

Disons sur-le-champ que nous sommes de l’avis des sociétés catholiques et des sociétés protestantes, de l’avis de la circulaire de M. Rouland, de l’avis de la société Franklin, et surtout de l’avis des fondateurs de bibliothèques populaires. Nous trouvons que tout le monde a raison, que tout le monde fait du bien ; nous voudrions obtenir la liberté du commerce de la librairie, pour ajouter cette grande force à toutes les forces déjà existantes. Pour un besoin si pressant, pour un intérêt si sacré, ce n’est pas trop de tous les dévouemens et de toutes les ressources. Il y a pourtant dans tout cela des différences de degré et même des différences de principes, puisqu’il y a la propagande religieuse, la propagande par l’état et la propagande par l’action individuelle. Il faut dire pourquoi et dans quelle condition nous acceptons les deux premières, pourquoi nous leur préférons l’action libre, individuelle, laïque, et quelle règle nous lui proposons pour assurer son succès au point de vue matériel et au point de vue moral.

D’abord ; pour la propagande religieuse, ce qu’il importe de déclarer avant toutes choses, c’est qu’elle est de droit. Ceux qui s’en plaignent, ceux surtout qui se réjouissent des rigueurs exercées contre elle par certains gouvernemens, n’entendent rien à la liberté. On peut répondre à la propagande de ses adversaires, on ne peut pas l’étouffer. Les catholiques et les protestans ont incontestable-