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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 47.djvu/416

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La police de son côté maintenait le prix du pain à des cours sans rapport avec la valeur réelle. La commission des subsistances ne servit en définitive qu’à tripler les prix en troublant les mouvemens naturels du commerce; elle ne réussit pas mieux que sa devancière à augmenter les ressources disponibles. Elle ne put acheter à l’étranger que 1,100,000 quintaux métriques de grains, dont 767,000 destinés à Paris, et le tiers de ses achats n’arriva en France qu’après les souffrances. Un document encore consulté après plus de quarante ans[1], et qui est en effet un des plus judicieux qu’ait produits chez nous le régime parlementaire, a exprimé sur la crise de 1817 ce jugement que la chambre des députés a ratifié : «La disette probablement n’existait pas. C’est la commission qui a pour ainsi dire créé cette famine, si horrible dans quelques contrées de la France, qui a coûté aux contribuables 84,817,690 francs, aux consommateurs, en prix forcé sur le pain, peut-être plus de 800 millions. Cette assertion est grave : malheureusement elle est juste. »

Cette fois l’expérience avait été trop ruineuse pour qu’on n’y fit pas quelque attention. L’enthousiasme qu’on avait pour les greniers d’abondance se refroidit peu à peu, et, sans renoncer tout à fait aux approvisionnemens officiels, on tâcha d’en rejeter la charge sur le commerce. Le côté faible du mécanisme agencé par M. Dubois était, on le sait, de ne pas capitaliser dans les jours d’abondance un fonds de secours pour les temps de crise. On tâcha de réparer cette faute en 1817 en instituant une caisse syndicale, pourvue au moyen d’une dotation fournie par la ville de Paris, d’un droit perçu à l’entrée des farines, et d’un prélèvement sur les bénéfices de la boulangerie; cette institution, assez mal combinée, ne paraît pas avoir fonctionné longtemps. Elle n’existait plus que nominalement, lorsqu’elle fut abolie en 1830. Le compte définitif laissa un découvert d’environ 22 millions de francs.

Il y avait une autre liquidation des plus scabreuses à terminer. La boulangerie, même en employant ces farines que la commission des subsistances lui livrait à moitié prix, avait toujours travaillé à perte. Les indemnités en argent qu’on lui avait données pendant la crise étaient insuffisantes. Pour comble de malheur, la famine ne fut pas rachetée, comme il arrive d’ordinaire, par une série de récoltes favorables. Je remarque que pendant une période de sept années, de 1816 à 1822, le pain fut taxé au-dessous de son prix de revient, et j’estime le déficit qu’il fallut compenser à 52 millions. De là des

  1. Rapport sur la commission des subsistances, par M. Beslay père, député (séance du 20 mars 1820).