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d’ouvrir des dépôts, l’approvisionnement de trois mois, faisaient obstacle. Ceux qui se heurtaient ainsi aux règlemens fortifiaient par leurs récriminations les gémissemens des boulangers. M. le prélet de la Seine avait aussi son idéal de meuneries-boulangeries qu’il aurait fait entrer dans les cadres du monopole en réduisant le nombre des petits ateliers. A la demande du préfet et du conseil municipal, un projet de ce genre fut transmis au conseil d’état par le ministre du commerce.

On avait été ainsi amené, dans les hautes régions administratives, à étudier d’une manière générale les questions relatives à l’alimentation, lorsque la boulangerie poussa son cri de .détresse. Le problème s’élargit : une commission d’enquête fut instituée au sein du conseil d’état. On envoya à Londres et à Bruxelles, où la boulangerie est libre, des commissaires spéciaux chargés de comparer ce qui se passe dans ces villes avec la pratique de Paris. M. le conseiller Leplay, dont le nom restera honorablement attaché à la réforme actuelle, eut mission de diriger les études et de les résumer. Plusieurs gros volumes d’enquêtes et des rapports pleins de science, sans épuiser pourtant une question si féconde, aboutissaient à cette importante conclusion, que le régime de la boulangerie parisienne était malfaisant, et qu’il serait bon de « la ramener au droit commun, qui fonctionne à la satisfaction générale dans les autres contrées de l’Europe. » La perspective, même lointaine, de la liberté, l’idée qu’une grande ville trouverait à manger du pain sans la protection de ses magistrats, étaient choses nouvelles et effrayantes à la préfecture de la Seine. Pendant deux ans au moins, l’influence du conseil municipal tint en suspens l’initiative du conseil d’état. Ces irrésolutions aggravaient les souffrances de la boulangerie. Le syndicat obtint une audience de l’empereur, exposa les griefs de la corporation, et emporta la promesse qu’ils allaient être examinés avec l’attention due à d’aussi grands intérêts. On entendit parler quelque temps après de plusieurs assemblées du conseil d’état, tenues sous la présidence de l’empereur avec une solennité inaccoutumée. La décision, imparfaitement connue du public, ne paraissait pas avoir tranché la question, et à la préfecture on se flattait encore de l’assoupir en donnant quelques satisfactions aux plaignans. La caisse de la boulangerie rendit trois septièmes de l’approvisionnement obligatoire, et éleva la prime de cuisson de 11 à 12 francs par sac. Les boulangers ne sont pas fanatiques de la liberté, dont ils ne comprennent pas les effets : ils ne l’ont demandée que comme pis aller, s’il n’y a pas d’autre moyen de sortir d’une situation insupportable. Sans être bien satisfaits des dernières concessions, leurs plaintes avaient cessé; on commençait à croire la