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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 47.djvu/439

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nérale qui l’élève dans la hiérarchie des nations. Ce phénomène est particulièrement observable à notre époque : notre siècle lui devra son caractère et sa grandeur. Quelles sont au contraire les nations tourmentées d’un sourd malaise, parce qu’elles sont pauvres, en dépit du luxe dont elles font enseigne ? Celles précisément où la production est insuffisante, parce que le travail n’y est pas encore suffisamment libre.

A l’appui de cette thèse, M. le préfet de la Seine a fourni sans s’en douter un argument qui mérite d’être médité. Voulant démontrer que la compensation est préférable à la distribution des cartes de différence, il s’exprime ainsi dans le mémoire présenté l’année dernière au conseil général du département : « Il est constaté qu’à Paris, où l’on compte en moyenne trois personnes par logement, il y a 357,687 logemens, contenant 1,073,061 personnes, qui auraient droit incontestablement à des bons de pain, si l’administration se résignait à en donner. Il y a en outre 145,090 logemens d’un loyer de 250 à 500 francs, dont les occupans sont exonérés par la ville de la majeure partie de leur contribution mobilière, et 47,045 logemens de 500 à 1,500 francs, dont les locataires sont dégrevés de la même façon, mais dans une moindre mesure. Les premiers renferment 435,210 personnes, et les seconds 141,135. Quelque disposé qu’on fût à restreindre les secours, il faudrait cependant y admettre une partie quelconque de ces deux catégories. On voit combien c’est peu dire que de porter à 1,200,000 le nombre des bouches qu’il faudrait nourrir pendant les années de disette. » Ainsi, dans la ville qui éblouit l’étranger par ses splendeurs, sur 1,700,000 habitans, il y en a 1,200,000 à qui il serait difficile, sinon impossible, d’ajouter quelques centimes au prix ordinaire de leur pain ! Voilà ce qu’a produit le régime qui entravait la libre activité : n’était-il pas temps d’en essayer un autre ?


ANDRE COCHUT.