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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 47.djvu/484

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de Persigny sur l’honneur qu’il vient de recevoir. Les chagrins politiques qu’il a pu nous causer ne nous ont jamais empêchés de reconnaître son mérite, et nous avons applaudi sincèrement au zèle sérieux et utile avec lequel il s’est appliqué durant son dernier ministère à l’œuvre si féconde du développement des chemins vicinaux, ainsi que l’atteste l’intéressant rapport qu’il a récemment adressé à l’empereur. M. le duc de Persigny s’est montré d’ailleurs depuis longtemps très particulier et très raffiné sur le chapitre de la noblesse ; on se souvient de son discours à la Diana : le titre de duc ne pouvait arriver à un homme qui fût plus capable de l’apprécier et de le goûter. Si de tels honneurs font plaisir à quelqu’un, convenons qu’ils ne font de mal à personne. Ils n’excitent plus même la jalousie et le dépit que ressentaient autrefois nos ducs, obligés d’admettre un nouveau-venu dans leur fière compagnie, et nos duchesses aux grands airs, irritées de voir prendre le tabouret à une dame qui jusque-là était restée debout derrière elles, assises. Au contraire, aujourd’hui le nouveau-venu reçoit bon accueil de ses récens prédécesseurs, qu’il fait monter d’un rang en ancienneté, car enfin nos nouveaux nobles n’ont pas été sans avoir entendu dire que la noblesse, comme le vin, ne devient bonne qu’en vieillissant. Cela nous rappelle le mot d’un spirituel doctrinaire qui n’était que de noblesse d’empire. En apprenant que M. Pasquier s’était passé la fantaisie d’être duc : « Ah ! tant mieux ! dit-il. Me voilà mis dans l’ancienne noblesse ! » Nous ne demandons qu’une chose à M. le duc de Persigny : à son prochain voyage en Angleterre, il aura le plaisir de s’entendre appeler « sa grâce ; » qu’il veuille donc bien reconnaître que, si l’Angleterre a l’avantage, qu’il fait sonner si haut, de posséder une aristocratie, la France n’aura plus désormais le malheur d’en être totalement dépourvue.

Revenons à l’examen des élémens graves et complexes de la situation politique qui mettent les nouvellistes en frais, et dont la perspective incertaine agite les bourses européennes : la question russe, la question polonaise, les affaires d’Allemagne, les affaires d’Italie, le Mexique, les États-Unis.

Depuis que les trois puissances ont fait parvenir à Pétersbourg leurs dépêches à conclusion identique, il s’est écoulé tant de temps, et il s’est produit en Europe des mouvemens si marqués, qu’il nous semble que la controverse entre la Russie et les puissances a vieilli, et que l’objet de cette controverse ne présente plus un intérêt actuel. Ce qui tenait les esprits en suspens dans la première phase de ce débat, c’est la pensée qu’il pouvait aboutir à une rupture caractérisée, et que l’on pouvait être conduit à passer des paroles à l’action. En un mot, ce qui était dans les préoccupations du public, c’était la question de paix ou de guerre. Les notes des puissances poseraient-elles des conditions qui provoqueraient de la part de la Russie un refus formel ; les réponses de la Russie seraient-elles conçues en des termes blessans pour la dignité de la France, de l’Angleterre et de l’Autriche ; les cabinets d’Occident se mettraient-ils d’accord pour soutenir leurs réclamations par la force ? Voilà les doutes qui pla-