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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 47.djvu/551

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nos municipalités, nos départemens peuvent-ils sortir de tutelle? Ce sont là encore des questions que tous peuvent agiter de concert sans toucher même de loin aux points qui divisent, car, quelle que soit l’organisation supérieure de l’état, il est toujours important de savoir si tout doit procéder de ce sommet unique, si par conséquent le moindre arrêté de police doit tomber sur nous d’une hauteur qui, suivant la loi des corps graves, en triple ou quadruple le poids naturel, ou bien si nous aurons à traiter avec des autorités plus voisines de nous et plus accessibles. Démocrates ou constitutionnels, nous avons tous intérêt à apprendre si nous devrons toujours adresser nos vœux à un dieu suprême qui se cache dans les nuages, ou bien s’il nous sera permis de nous faire des demi-dieux à notre image, qui sachent de quoi nous sommes faits, et dont l’autel, plus près de terre, soit d’un abord plus facile.

On voit quel nouveau et vaste champ s’offre ici aux réflexions des publicistes libéraux. Les articles de Varia sur la Réforme judiciaire et de Francs Propos sur l’autonomie de l’université sont des exemples des questions qui peuvent être posées et même des solutions qui peuvent être proposées en ce genre, abstraction rigoureusement faite de questions politiques d’un autre ordre. Tout dans ces travaux ne nous paraît pas sans doute également acceptable, mais tout nous paraît utile, principalement la patience méritoire avec laquelle les auteurs n’ont pas craint de descendre dans certains détails et de rédiger presque des articles de projet de loi; car ici encore, nous en avons la conviction, il faut que l’étude soit détaillée pour être profitable. Des généralités vagues sur la décentralisation, comme celles qui remplissent les journaux depuis que le Moniteur en a donné le modèle, ne suffiraient pas. C’est de pratique que nous avons besoin, car c’est à la pratique que les difficultés nous attendent. Il ne faudrait pas qu’un mouvement de réaction superficiel nous fît illusion sur la profondeur de la révolution qu’il s’agit d’opérer et du sentiment qu’il s’agit de combattre. La France tient beaucoup plus qu’on ne pense à son unité administrative, dans laquelle, bien à tort, elle voit le symbole de l’unité morale dont elle est fière. Elle s’effraie et se cabre dès qu’on touche à l’image, comme si la réalité était en péril. Cette grande nation, chez laquelle les sentimens, la langue, les mœurs portent à tel point l’empreinte de l’unité, qu’il en résulte même un peu de monotone uniformité dans les caractères, a la faiblesse de croire qu’elle tomberait en dissolution, si tous les préfets n’envoyaient à la même heure la même circulaire dans toutes les mairies. C’est un fantôme qu’on ne peut dissiper qu’en marchant sur lui d’un pas tranquille et résolu, le flambeau des faits à la main. C’est peu à peu, en prévoyant