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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 47.djvu/680

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échouant tour à tour par trop de timidité ou par trop d’audace, de tant de projets conçus sans réflexion, sans une appréciation exacte des difficultés à combattre. Et ce qui doit malheureusement nous y frapper le plus, c’est le manque d’esprit de suite chez ceux qui étaient chargés de l’exécution de ces plans, c’est la disproportion des moyens employés et des résultats obtenus. Cependant cette histoire des tâtonnemens de notre politique à Madagascar peut aussi faire comprendre à qui voudra la lire attentivement qu’une sorte de lien se forme et se resserre de plus en plus entre les destinées de cette contrée et le mouvement des intérêts français. Une grave et triste question se pose donc : n’y a-t-il pas là un de ces mille théâtres offerts à notre activité, à notre influence pacifique, et où notre esprit guerrier n’intervient trop souvent que pour retarder l’ouverture de relations vraiment fécondes? Il suffit d’indiquer cette question pour donner à un exposé de nos rapports avec Madagascar depuis Louis XIV jusqu’à nos jours sa vraie signification.


I

L’île de Madagascar fut découverte en 1506 par Fernan Juarez, qui, à la tête d’une escadre portugaise de huit vaisseaux, fut jeté sur ses côtes par une tempête[1]. Malgré les rapports les plus favorables sur la richesse de cette terre et sur les mœurs de la population, le roi Emmanuel de Portugal se contenta d’envoyer quelques explorateurs prendre une connaissance exacte du pays et y organiser un établissement de traite. Les opérations des Portugais à cette époque consistèrent uniquement dans l’achat et l’exportation de quelques esclaves et dans un essai de propagande religieuse. Quelques prêtres vinrent s’établir dans leurs comptoirs, mais ils n’obtinrent aucun succès et furent massacrés par les indigènes. Quoique au XVIe siècle l’attention des gouvernemens européens fût puissamment attirée par les conquêtes récentes de l’Espagne et du Portugal en Amérique et dans l’Inde, plusieurs années s’écoulèrent avant que l’un d’eux songeât à s’occuper de Madagascar. Cependant l’étendue, la fertilité du sol, les ports spacieux et sûrs dont cette île est pourvue, surtout sa position près de la côte orientale d’Afrique, dont elle n’est séparée que par le canal de Mozambique, à l’entrée de l’Océan-Indien, et non loin de la Mer-Rouge, ne pouvaient manquer d’éveiller l’ambition de quelqu’une des grandes

  1. L’amiral portugais Tristan d’Acunha a eu la bonne fortune d’être célébré comme l’auteur de cette découverte par le grand poète Camoëns dans les Lusiades. La vérité est cependant que l’amiral ne vint que quelques mois après Fernan Juarez faire l’hydrographie de l’île. Tous les auteurs sont d’accord sur ce point historique.