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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 47.djvu/682

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lui payer un tribut. Cette prétention donna naissance à une guerre longue et terrible, qui n’amena qu’une soumission plus apparente que réelle de la part des naturels. M. de Flacourt était un homme énergique et doué de grandes ressources d’esprit. Il aurait pu réussir, s’il avait été secondé par la métropole. Loin de là, abandonné à lui-même, il passa plusieurs années sans recevoir aucun secours de la compagnie, sans appui du gouvernement; il s’épuisa en efforts pour contenir tout à la fois les indigènes, toujours prêts à se révolter, et ses propres nationaux, aigris par les souffrances et les privations. M. de Flacourt revint en France pour réclamer l’assistance du gouvernement. Ce fut alors qu’il suggéra au maréchal de La Meilleraye l’idée de prendre l’entreprise à son compte. Le crédit du maréchal était grand. Il obtint sans peine la rétrocession des droits de la Société d’Orient. Plusieurs commandans furent successivement envoyés au nom du maréchal de La Meilleraye au fort Dauphin; mais leur injustice et leur cupidité ne firent qu’augmenter la haine des naturels contre les Français[1], et notre établissement, dépourvu de vivres et d’approvisionnemens, fut bientôt conduit à deux doigts de sa ruine.

C’est dans cette situation désespérée que le duc de Mazarin, fils du maréchal de La Meilleraye, céda ses droits à une nouvelle compagnie moyennant la somme insignifiante de 20,000 francs. Cette compagnie dut son existence à l’initiative de Colbert. En 1664, la paix venait d’être conclue, et le grand ministre voulait la rendre glorieuse et féconde par les conquêtes du commerce. La nouvelle société, sous ce puissant patronage, prit le titre de compagnie orientale, et le ministre parvint à lui assurer, avec le concours du roi, des princes du sang et des plus grands seigneurs, un fonds de 15 millions[2], ressource considérable à cette époque. » Le fort Dauphin fut choisi pour être le chef-lieu de cette France orientale, car c’est ainsi que, dans l’enthousiasme qui présidait aux premiers travaux de la nouvelle compagnie, on désignait Madagascar.

M. de Beausse y fut envoyé en 1665 en qualité de gouverneur-

  1. Mémoire inédit de M. Bedier, commissaire-ordonnateur à Bourbon, 1834.
  2. L’édit que Louis XIV rendit à cette occasion au mois d’août 1664 s’exprime ainsi : «Nous avons donné, concédé et octroyé, donnons, concédons et octroyons à ladite compagnie l’île de Madagascar ou Saint-Laurent (*), avec les îles circonvoisines, forts et habitations qui peuvent y avoir été construits par nos sujets, et en tant que besoin est, nous avons subrogé ladite compagnie à celle ci-devant pour ladite île de Madagascar, pour en jouir par ladite compagnie à perpétuité, en toute propriété, seigneurie et justice. »
    (*) Les Portugais avaient donné ce nom à l’Ile, parce que, dit-on, ils l’avaient découverte le jour de la Saint-Laurent.