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dans la voie qui lui a été ouverte, et de se montrer digne des sympathies qui lui ont été prodiguées. La conduite adoptée récemment par les trois cours est une nouvelle preuve de leur bienveillance. Dès que la candidature du prince George de Danemark s’est produite et a paru présenter de sérieuses garanties, elles l’ont recommandée aux Hellènes à titre de conseil amical, et lorsque la Grèce s’est prononcée, elles n’ont rien négligé pour faciliter par leurs bons offices l’avènement du règne nouveau. L’élection du 30 mars 1863 avait à peine eu lieu que les plénipotentiaires des trois puissances se réunissaient en conférence à Londres et déclaraient que les événemens accomplis ne sauraient altérer en rien la ferme intention de leurs gouvernemens de veiller d’un commun accord au maintien du repos, de l’indépendance et de la prospérité du royaume hellénique. Les engagemens contractés en 1832 avaient une portée générale ; ils survivaient à la dynastie bavaroise, et si les trois cours ne déclinaient aucune des obligations résultant de leur protectorat collectif, de son côté le nouveau monarque assumait celles qu’avait prises la royauté déchue.

En même temps la conférence s’occupait d’une des questions les plus chères à la Grèce, celle des Iles-Ioniennes. Au moment où avait été posée la candidature du prince Alfred, le gouvernement anglais avait annoncé une résolution accueillie avec autant de satisfaction que de surprise. Comprenant que sa domination déguisée sur l’archipel ionien serait la pierre d’achoppement de son influence en Grèce, il se déclarait prêt à se dessaisir du protectorat, pourvu que cet abandon fût demandé par les septinsulaires et accepté par les puissances. En 1815, l’Angleterre avait semblé n’accepter qu’à regret ce protectorat. Elle l’avait offert à l’Autriche dans une conférence tenue pendant le congrès de Vienne entre les plénipotentiaires des cinq grandes cours, et l’opposition de la Russie avait seule empêché cette combinaison de prévaloir. On aurait alors incliné à proclamer l’indépendance absolue des sept îles ; mais elles n’étaient pas en mesure de se défendre par elles-mêmes, et à défaut d’un royaume hellénique, qui à cette époque n’existait pas, ce fut la Grande-Bretagne qui fut investie du protectorat par un traité signé à Paris le 5 novembre 1815. Le nouvel état reçut en 1817 une constitution qui fonctionna d’abord d’une manière régulière ; mais du jour où le royaume de Grèce fut créé, les veaux des Ioniens se tournèrent du côté des Hellènes, dont ils parlent la langue et dont ils ont les mœurs, la religion, les idées. Depuis lors, le gouvernement anglais ne régna plus que par la force. À la suite de l’insurrection de 1848, qui fut sévèrement réprimée, il avait essayé du système des concessions. Un décret du 22 décembre 1851 avait modifié dans un sens libéral la constitution de 1817, et les réunions du parlement ionien étaient devenues annuelles. L’opposition, au lieu de s’adoucir, ne fit que s’irriter. La mission de M. Gladstone en 1859 n’eut d’autre résultat que de rendre plus éclatante encore l’expression du vœu national.