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militaires et le centre d’une nouvelle, colonisation. Enfin Meade menace toujours la Virginie, et York-Town, dans la péninsule de cet état, est resté occupé par une garnison fédérale. Au commencement de la guerre, les fédéraux s’étaient promis d’envelopper de toutes parts le territoire rebelle, « comme l’anaconda serre sa proie, » et ils ont à la lettre accompli cet ambitieux programme. Le cercle de fer s’est de plus en plus rétréci, et la confédération nouvelle commence à y étouffer. Des territoires aussi grands que l’Autriche, la France ou l’Espagne ont été ajoutés au domaine de l’Union et enlevés à celui des maîtres d’esclaves. On a remarqué que si les fédéraux ne sont pas toujours heureux sur les champs de bataille, ils ont toujours su garder leurs conquêtes : où ils vont, ils restent. En dépit de tout ce qu’on avait dit des dispositions de la Louisiane, ils ont su la contenir, et leur autorité n’est plus disputée à la Nouvelle-Orléans. Lentement, mais sûrement, ils ont avancé dans le Tennessee, et jamais ils n’y ont reculé. Avec une ténacité que personne n’attendait d’une race aussi impatiente, ils ont repris un à un tous les points que les confédérés avaient conservés sur le Mississipi. Vicksburg et Port-Hudson ne retomberont pas en d’autres mains. La marche progressive des fédéraux est semblable à une inondation : souvent les eaux, arrêtées par un obstacle, usent en vain leur effort, mais jamais elles ne remontent leur pente et ne reviennent en arrière.

Il ne suffit pas toutefois de montrer ce qu’ont gagné les armes fédérales, il faut comparer aussi ce qu’était leur puissance militaire au commencement de la lutte à ce qu’elle est maintenant. Quel contraste! la nation la plus pacifique est devenue en deux années une nation guerrière : l’armée des États-Unis, au moment de la prise du fort Sumter, se composait de six mille hommes, disséminés vers les frontières et occupés à lutter sans gloire contre quelques tribus indiennes. La profession des armes était méprisée dans le nord, et ce dédain imprudent avait abandonné entièrement l’école militaire de West-Point aux influences du sud. Bien que le chiffre de l’armée fût si insignifiant, le nombre des officiers était assez grand; plusieurs des anciens élèves de West-Point rentraient dans la vie civile en emportant avec eux les traditions de cet établissement. Les places de cadets n’y sont pas obtenues au concours, mais s’y donnent sur la proposition des sénateurs et des députés. L’esprit du sud y était entré, grâce au patronage sénatorial, et y était devenu tout-puissant. Dès le début de la guerre civile, on vit les meilleurs officiers de West-Point se grouper sous le drapeau des confédérés, Lee, Johnston, Jackson : ceux qui restèrent fidèles à la cause du nord ont rendu de grands services en organisant l’armée; mais politiquement ils ont créé aux républicains de très graves embarras.