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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 47.djvu/993

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son ancien prestige. Ce fait bien établi, passons de l’enseignement aux œuvres qu’il produit, et il sera aisé de montrer par quelques exemples caractéristiques ce que l’exposition des Champs-Elysées nous révèle sur les tendances et sur les efforts du génie national dans un domaine où il était si habitué à triompher autrefois.

Au milieu de cette collection considérable de dessins d’ornement exposés dans les salles du premier étage du Palais de l’Industrie, que trouvons-nous? Un seul décorateur dans le vrai sens du mot. Homme de goût et coloriste par excellence, M. Mazerolles a exposé diverses toiles, parmi lesquelles nous citerons de préférence la Belle au Bois dormant, modèle d’une tapisserie exécutée à Aubusson par MM. Braquenié frères. Nous avons vu la tapisserie, et nous n’hésitons pas à dire qu’elle est digne de soutenir la comparaison, au point de vue décoratif, avec ce que faisaient les Gobelins avant la perte des traditions et des secrets de métier. Comment la manufacture d’Aubusson n’a-t-elle pas exposé ce tapis de tenture, au lieu de la monstruosité que MM. Requillart et Roussel offrent à nos yeux attristés : un tapis de salon, représentant une formidable armature de bronze doré qui encadre en haut relief des tableaux de fleurs et des trophées de musique? La porte d’une prison ne serait pas aussi solidement charpentée. Ni le talent, ni le soin, ni l’argent n’ont fait défaut à ce travail ; il n’y manque que le goût et le sentiment du décor. C’est ce goût, ce sentiment, qui recommandent au contraire les travaux de M. Mazerolles, sa charmante frise de Diogène cherchant un homme par exemple, ou son esquisse du plafond du théâtre de Bade. Toutefois dans sa frise pour salle à manger, la Cuisine, il a oublié de changer les pinceaux du peintre contre ceux du décorateur. Ce serait un malheur s’il ne s’arrêtait à temps sur cette pente, car il est le seul, s’il veut choisir entre le style décoratif et le style de la peinture historique, qui soit capable de décorer dignement un théâtre ou un palais. Et d’ailleurs en quoi son mérite serait-il abaissé? Sa composition, son dessin, ont-ils besoin d’être moins purs, sa couleur moins belle? Ce n’est donc que l’abandon du trompe-l’œil et du fini, où viennent souvent se perdre la verve et l’inspiration, que nous voulons lui demander.

Non loin de M. Mazerolles, on remarque des peintures d’éventail d’un goût charmant, les paysages de M. Allongé, par exemple, d’une finesse et d’une couleur exquises. A côté de ces produits, qui relèvent directement de l’art, il en est d’autres où l’industrie domine, et qui méritent également un examen attentif. Il y a certainement dans ces dessins de tapis, de châles, de dentelles, de meubles et de bijoux, qui couvrent les murailles, une habileté extrême; mais tous, dessinateurs, graveurs, lithographes, ciseleurs, nielleurs et émailleurs, s’imaginent que c’est en atteignant dans leur