Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 48.djvu/133

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
L’ABBÉ DANIEL


ÉTUDES DE LA VIE DE CAMPAGNE




a m. camille fistié.


Mon cher Camille, permettez-moi de placer votre nom en tête de ce simple récit. Ce ne sera d’ailleurs que justice, car la conception première vous en appartient ; vous l’avez trouvée dans ces doux sentiers de la Touraine que nous avons si souvent parcourus ensemble, et plusieurs pages ont été presque entièrement écrites sous votre dictée.




I.


septembre 183.


Avant-hier j’ai eu vingt ans, et j’ai quitté le séminaire pour n’y plus rentrer. Mon cœur est plein de joie, et une douce fièvre m’agite depuis que je suis revenu dans mon cher pays mi-poitevin et mi-tourangeau. J’ai refait connaissance avec mon petit domaine des Bruasseries. J’ai revu les Templiers, où habite mon oncle, et où j’ai retrouvé Denise, grandie et plus belle encore que l’an dernier. — Elle a maintenant dix-sept ans. — Ce matin, j’ai traversé le pré qui sépare les Bruasseries des Templiers ; je me suis glissé jusqu’au pied de la tourelle aiguë qui regarde Étableaux. De là on aperçoit toute la vallée. Étableaux, à droite, s’étage sur son coteau rocheux. Au-dessous, par-delà les molles rondeurs des châtaigniers, l’Égronne, sinueuse et lente, chemine par les prés, tantôt cachée sous les aunes, tantôt découverte et presqu’aveuglante de clarté. À gauche, tout au fond, le bourg de Pressigny s’étale en éventail, et la rivière TOME XLVIII. 9