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vu l’original ou la gravure. C’est quelque chose comme Sydenham-Palace, où l’on peut voir en carton-pierre des maisons de Pompéi, des chœurs de cathédrales et la cour de l’Alhambra.

Cette impression cependant se modifie à mesure que l’observation se prolonge et devient plus attentive; le jugement s’adoucit. On reconnaît des beautés réelles, des tentatives ingénieuses, d’instructives imitations, l’effort réfléchi de renouveler l’art par le savoir, d’éclairer le goût par la mémoire et de suppléer à l’imagination par la critique. Ce que c’est que les vicissitudes des idées, des prétentions et des modes! Au dernier siècle, un électeur de Saxe fort riche et qui aimait les belles choses sans, je le crains, beaucoup s’y connaître, imagina de réunir à Dresde ces magnifiques collections qui fatiguent la curiosité la plus fervente. Qu’a-t-il fait pour bien loger un si noble luxe, une si précieuse richesse? Il a donné autant qu’il a pu à sa ville un air de Versailles. Le Zwinger ne s’en distingue que par un excès de goût rococo dont Versailles est exempt. A cent ans de là, le descendant de la maison de Wittelsbach distribue ses trésors d’art et de science dans une suite de palais divers comme en auraient fait Périclès, Hadrien, saint Louis ou Léon X. Au fond cependant on sent que l’hellénisme domine, et, dût-on nous accuser de pédanterie, nous ne nous en plaignons pas.

Le premier essai, je crois, que le roi ordonna de l’application de l’art proprement dit à la décoration de sa capitale eut lieu dans le Hofgarten (jardin de la cour). C’est un grand carré en quinconce, assez négligé, à peu près comme nos anciens Champs-Elysées, et bordé sur deux de ses côtés de galeries analogues à celles du Palais-Royal. Concevez tout cela moins brillant, moins gai, moins fréquenté; c’est là qu’on a tenté pour la première fois la fresque en plein air. Les parois du fond de la galerie ont été recouvertes de tons mats et foncés, comme les intérieurs d’Herculanum ; on les a encadrées de quelques festons, et au milieu des panneaux, dans les lunettes, sur les pendentifs, on a peint des sujets historiques, des scènes prises dans les anciennes chroniques de la Bavière, les principaux exploits des libérateurs de la Grèce moderne, enfin les vues des plus beaux lieux de l’antiquité, en Grèce, en Sicile, en Italie, désignés ou célébrés par des distiques allemands de la composition du roi. Ces paysages, bien composes, dans un goût sévère, sont assez intéressans; mais, presque autant que les peintures historiques qui les avoisinent, ils ont souffert par l’action du temps qui s’est écoulé et du temps qu’il a fait, et cette tentative, fort sérieuse dans son principe, dirigée en partie par Cornélius lui-même, n’a rien laissé qui vaille beaucoup mieux que la décoration de nos cafés du boulevard, quand elle est passée et ternie. C’est une grande question