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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 48.djvu/221

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Persans et quelques cipayes indiens, déserteurs des garnisons du nord-ouest.

La milice comprendrait au besoin, c’est-à-dire en cas d’invasion, presque toute la population mâle, de seize à soixante ans ; il est presque impossible d’en calculer le chiffre. On ne lui connaît d’autres armes que jazail, le long mousquet des Afghans, et leur charah, c’est-à-dire leur poignard, plus un bouclier. Les cavaliers ont quelquefois une carabine, mais en général ils se contentent d’une lance, d’un sabre et d’une paire de pistolets, remplacés çà et là par un tromblon. L’autorité du souverain sur cette espèce de landwehr ou de landsturm est encore assez mal établie. Tenus en principe à venir se ranger sous ses drapeaux dès qu’il donne le signal de la guerre, les miliciens n’obéissent en réalité qu’aux chefs de leurs tribus respectives, avec lesquels ils ont des intérêts communs et qu’ils servent à titre de vassaux feudataires. C’est bien encore le clan d’Ecosse, tel qu’il existait du temps de Marie Stuart. La jalousie des chefs, les divisions intestines qui mettent continuellement les tribus aux prises, l’esprit de clan en opposition avec l’esprit militaire, dont l’essence est l’unité de commandement et d’action, paralysent à beaucoup d’égards la force de cette armée sans discipline et sans cohésion. Elle n’a donc rien de redoutable comme moyen d’agression; mais, envisagée comme instrument de défense nationale, elle prend un tout autre caractère. Devant l’ennemi commun, les discordes intérieures s’apaisent; le besoin de s’entendre, la nécessité d’un lien puissant, font taire les rébellions personnelles et les animosités de tribu, rendent au gouvernement central une prédominance passagère, et lui permettent de donner à cette masse confuse l’impulsion qu’elle s’obstine à refuser en temps ordinaire. Le contraste de ces deux situations est mis en relief par un fait significatif. Les Afghans ont sur leurs frontières deux misérables peuplades hostiles, les Hazarahs et les Afridis[1]. Jamais, bien qu’ils aient souvent essayé de les soumettre, ils n’ont pu y parvenir. En revanche, ils ont écrasé une armée anglaise, impunément mortifié l’orgueil d’une des plus redoutables puissances qui aient jamais agi

  1. Les Hazarahs sont des musulmans shiites et par conséquent hérétiques par rapport aux Afghans. Ils habitent un district montagneux qui porte leur nom, et d’où ils sortent l’hiver en grand nombre pour venir chercher du travail, soit chez les Afghans, soit dans les environs de Peshawur. — Les Afridis, établis à la limite du Kaboul et des possessions anglaises, ne reconnaissent ni l’autorité de l’émir, ni celle de la Grande-Bretagne. Ce sont des brigands de profession, sans cesse en guerre soit les uns contre les autres, soit contre leurs voisins.