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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 48.djvu/338

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avons eu autrefois en France une loi ainsi conçue : aucun journal ne peut paraître sans l’autorisation du gouvernement ; mais le gouvernement ne disait pas que c’était une loi destinée à établir la liberté des journaux. »

La charte de 1830 avait annoncé la liberté d’enseignement. Cette promesse est restée sans effet. C’est un des torts, le plus grave peut-être, du gouvernement fondé à cette époque ; mais il faut lui rendre justice, ce n’est pas tout à fait sa faute. Après sa belle loi sur l’instruction primaire, où se trouvait déjà le principe de la liberté, M. Guizot avait présenté en 1835 un projet de loi sur l’instruction secondaire, où la promesse de la charte recevait une large exécution. La répugnance des chambres le fit échouer. Une nation qui a été longtemps aussi gouvernée que la nôtre, s’accoutume lentement, péniblement, au régime de la liberté. Le grand épouvantail, tout le monde le sait, c’était la crainte des congrégations religieuses. Un amendement portant que tout chef d’un établissement privé d’instruction publique serait tenu de jurer qu’il n’appartenait à aucune corporation non autorisée fut introduit dans la loi malgré le ministre. À la retraite du ministère du 11 octobre, le projet tomba avec lui, et pendant le reste du règne on montra peu d’empressement à le reprendre. Un nouveau projet fut pourtant présenté à la chambre des pairs en 1844, et M. le duc de Broglie en fut nommé rapporteur. On éprouve, en lisant son rapport, une véritable peine à voir un esprit aussi large et aussi élevé s’embarrasser dans une foule de précautions et de réserves ; il fallait absolument en passer par là pour avoir la moindre chance de réaliser la promesse de la charte. Malgré ces restrictions, la loi ne put encore obtenir la majorité dans les deux chambres. C’est l’assemblée législative de la république qui a eu l’honneur de trancher la question, grâce à la réaction opérée dans les esprits contre la république elle-même, qui a fait adopter comme un moyen de salut ce qu’on avait repoussé jusqu’alors comme un danger.

Mais ce qui força en quelque sorte M. le duc de Broglie à prendre une part active aux discussions parlementaires, ce fut la violente polémique que souleva le droit de visite. Nous ne trouvons dans les Écrits et Discours aucune trace de ses longs efforts pour préparer l’abolition de l’esclavage dans nos colonies. Il n’a pourtant jamais cessé d’y travailler, soit au pouvoir, soit hors du pouvoir, et quand la république de 1848 s’est hâtée de supprimer l’esclavage, elle a trouvé la question aux trois quarts résolue par son persévérant apostolat. Dès 1821, il proposait à la chambre des pairs une adresse au roi pour demander l’entière abolition de la traite ; en 1827, il prononçait sur le projet de loi présenté à cet effet un discours chaleureux ; en 1840, il était nommé président d’une commission chargée