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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 48.djvu/433

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en profondeur. Un troisième corps d’ouvriers reprend le puits originel, appelé d’ordinaire engine shaft, et le conduit à soixante pieds plus bas dans le sein de la terre. Ici la construction des tunnels ou niveaux se poursuit d’après les mêmes principes que nous avons indiqués, et le second étage souterrain reçoit comme le premier l’air par le moyen de puits ouverts de distance en distance. Ce second étage est quelquefois suivi d’un troisième ou même d’un quatrième ; qui peut dire où s’arrêtera avec le temps la profondeur des fosses ? C’est l’ensemble de ces travaux, accrus et multipliés depuis des années, que j’allais visiter dans la mine de Dolcoath.

Une mine est un être ; elle vit, elle travaille, elle respire ; les puits sont des poumons, les tuyaux de la pompe son système circulatoire : elle mange du charbon de terre qu’on lui jette par tonnes ; elle a un nom, une personnalité, un sexe. Les Anglais, qui n’ont point comme nous dans leur langue le masculin et le féminin pour les choses inanimées, mais qui les rangent toutes dans le genre neutre, ont fait une exception en faveur de la mine, ainsi qu’ils en en avaient déjà fait une autre pour le vaisseau, ship. Elle est une femme, une sorte de sombre Proserpine aux traits d’une beauté farouche et glaciale. Les ouvriers en parlent avec respect ; elle les tue et ils l’aiment. C’est pour eux la mystérieuse puissance du bien et du mal. Elle s’arrache les entrailles pour enrichir le genre humain : chaque jour, elle élargit ses plaies, d’où coulent l’étain et le cuivre ; mais elle a des souffles empoisonnés qui abrègent la vie du mineur et des abîmes qui l’engloutissent. De tous les organes qui frappent et étonnent à première vue le voyageur dans le gigantesque mécanisme d’une mine de la Cornouaille, le plus remarquable est encore la pompe à vapeur, pump engine. Douée d’une taille et d’une force colossales, elle va chercher l’eau à des profondeurs extraordinaires, et pourtant cette machine à haute pression est si admirablement docile, qu’elle se laisse conduire par la main d’un enfant. Elle habite une chambre élégante et tenue aussi proprement que le boudoir d’une lady. Au moyen d’une sorte de montre, counter, elle marque elle-même le nombre de ses vibrations et indique ainsi la somme de travail qu’elle accomplit. Le résultat de ces calculs est publié une fois par mois dans les journaux de la localité. Pour comprendre l’utilité de telles machines, sans lesquelles il n’y aurait point de travaux possibles, ou tout au moins de travaux profonds, il faut savoir que la mine est, selon le langage d’un poète de la Cornouaille, une grande désolée, qui verse des larmes éternelles. Ces larmes, tombant goutte à goutte des voûtes et des piliers, s’amassent bientôt au fond en lacs, en mares tièdes et ténébreuses. Si l’on ne se débarrassait des eaux par des moyens mécaniques, toute la mine serait successivement