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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 48.djvu/466

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marée, qui atteignent à l’époque des équinoxes une amplitude de près de 5 mètres. Au moment de la plus grande élévation du flot, la surface du bassin est une immense nappe d’eau verdâtre qui semble se confondre au loin avec les rivages indécis des landes marécageuses ; une seule terre, difficile à distinguer de ces longues traînées, tantôt obscures, tantôt lumineuses, qui sont dues à la fois aux reflets du ciel et à la marche des courans, se dessiné au-dessus des flots de marée : c’est l’île aux Oiseaux. À mesure cependant que le niveau s’abaisse sous l’action du reflux, l’île s’allonge et s’élargit, les pointes de sable ou de vase s’avancent dans l’intérieur du bassin, des bancs émergent çà et là, et lorsque le jusant a ramené dans la mer toute l’eau apportée par le flux, il ne reste plus, au lieu de l’immense nappe liquide, que des chenaux plus ou moins étroits serpentant sur le fond de la baie mis à découvert. À l’époque des plus basses marées, ces chenaux tortueux et leurs nombreuses ramifications, qu’on a souvent comparées aux suçoirs d’une gigantesque méduse, ne recouvrent même pas le tiers du bassin : tout le reste de l’espace est occupé par des bancs auxquels l’aspect de leurs vases molles a fait donner le nom de crassats.

Lorsque ces surfaces plus ou moins vaseuses, que le flot cache et révèle tour à tour, apparaissent au-dessus des eaux, elles donnent à l’ensemble du bassin un aspect pareil à celui des grandes lagunes marécageuses des régions non encore habitées par l’homme. On croirait avoir sous les yeux une image du chaos primitif, tant les eaux et les terres se pénètrent et s’entremêlent. Souvent, lorsque le ciel est couvert de nuages, on ne sait plus reconnaître ni les chenaux, ni les crassats, dans les stries parallèles qui raient la superficie de l’étang. Tout semble confondu en une même masse plus ou moins liquide. Des champs de boue, revêtus de salicornes rouges et d’autres plantes marines, séparent le rivage solide de cette surface douteuse, qui n’est plus la mer et qui n’est pas le continent. Les trembleyres ou « prairies tremblantes » qui marquent les contours des anciennes baies, les savanes que parsèment des bouquets d’arbres, et que des coulées tortueuses divisent en îles et en presqu’îles, enfin les forêts et les dunes qui bornent à l’ouest la dépression du bassin, complètent le paysage étrange et primitif offert par l’aspect des eaux, des sables et des boues.

Quoi qu’en disent les érudits du département, il n’est pas probable que ces rivages aient jamais été habités par une population considérable. C’est de là que nombre d’écrivains gascons font partir les conquérans qui, sous la conduite de leurs brenns, allèrent envahir l’Italie, la Germanie, toute l’Europe orientale, et fondèrent des établissemens permanens jusque dans l’Asie-Mineure ; mais il est plus