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sur le bord de la petite mer intérieure des landes, ceux qui connaissent la Louisiane pourraient se croire transportés à Madisonville, à la Passe-Christiane, à Pascagoula : ce sont les mêmes constructions éparses et entourées d’arbustes, les mêmes collines couvertes de pins, le même bassin aux longues plages basses. Cependant Arcachon est aujourd’hui plus prospère que ces villes de planteurs, abandonnées ou détruites depuis le commencement de la rébellion. De tous les côtés on voit s’élever de nouvelles constructions, des chalets suisses, des manoirs gothiques, des pavillons moresques et jusqu’à des pagodes hindoues et des temples chinois. Au sommet de l’une des principales dunes qui dominent Arcachon surgit une espèce de mosquée peinte de couleurs éclatantes ; plus haut encore se dresse une gracieuse tourelle à jour ; au-delà, des maisonnettes éparses se nichent dans chaque repli des collines. La ville grandissante transforme graduellement la forêt en un parc de plaisance au moyen des allées sinueuses qu’elle projette au loin dans toutes les directions. La construction des maisons, la mise en culture des jardins, le percement des routes et tous les embellissemens de la ville exigent un si grand nombre d’ouvriers que de proche en proche le taux des salaires augmente dans les localités environnantes et jusqu’à Bordeaux. En même temps la valeur des terrains s’accroît dans une proportion rapide, et des propriétaires qui retiraient un bien maigre profit de leurs forêts vendent maintenant le mètre carré de sable aussi cher que s’il était situé sur la grande rue d’une cité populeuse.

La petite ville de bains naguère inconnue a pris une fière devise qu’elle ne peut manquer de réaliser un jour : Heri solitudo, hodie vicus, cras civitas. La prospérité sur laquelle les habitans d’Arcachon comptent avec confiance ne saurait d’ailleurs étonner personne, car ce point du littoral offre toutes les conditions nécessaires pour attirer et retenir les visiteurs. Arcachon a surtout l’inappréciable privilège d’être situé à proximité d’un grand centre de population. Le court voyage de Bordeaux à la plage des bains n’est pas une fatigue. Une heure après avoir quitté les rues bruyantes et poudreuses de la ville, on peut se promener solitairement sur le sable au bord du flot marin. Bientôt des trains rapides abrégeront encore la distance, et trois quarts d’heure suffiront pour la traversée de toute la péninsule du Médoc entre la rive de la Garonne et celle du bassin. On le comprend : c’est là un avantage qui assure à la ville d’Arcachon une grande supériorité sur Royan et les autres stations de bains du golfe de Gascogne. Même, lorsque le chemin de fer de Bordeaux à la Pointe-de-Grave sera terminé, les voyageurs pourront gagner la baie d’Arcachon en deux fois moins de temps qu’il ne leur