Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 48.djvu/685

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sous l’influence du traité du 31 octobre, commence cette succession de malentendus et de confusions qui ont fait de la guerre du Mexique une des énigmes les plus obscures et les plus embarrassantes de la politique contemporaine. D’étranges et dangereuses illusions se mêlaient évidemment à ce que j’appellerai la pensée motrice de l’expédition. Tandis que la diplomatie restait ostensiblement sur son terrain, n’admettant la légitimité de l’action coercitive que dans la mesure des griefs européens, n’acceptant l’idée de la régénération intérieure du Mexique que comme une éventualité qu’on pouvait encourager, si elle se réalisait spontanément, mais dont on devait décliner la responsabilité, l’imagination à son tour entrait en scène et faisait son œuvre. La transformation de la république mexicaine en monarchie était présentée comme le dernier mot de l’intervention de l’Europe. Tout était merveilleusement disposé, et le choix du prince appelé à monter sur ce trône nouveau était même fixé. On ne doutait pas que le rêve d’un archiduc empereur du Mexique ne devînt en quelques jours une réalité. Il semblait qu’il n’y eût qu’à paraître devant la Vera-Cruz pour que la nation tout entière se soulevât, secouant le joug de M. Juarez et venant demander un roi. Cette prévision, cette confiance exprimée avec plus d’abandon dans l’intimité, perçait jusque dans la réserve des instructions officielles données par les gouvernemens à leurs plénipotentiaires. « Il pourrait arriver, disait le ministre des affaires étrangères de France à l’amiral Jurien de La Gravière, que la présence des forces alliées sur le territoire du Mexique déterminât la partie saine de la population, fatiguée d’anarchie, affamée d’ordre et de repos, à tenter un effort pour constituer dans le pays un gouvernement présentant les garanties de force et de stabilité qui ont manqué à tous ceux qui se sont succédé depuis l’émancipation. Les puissances alliées ont un intérêt commun et trop manifeste à voir le Mexique sortir de l’état de dissolution sociale où il est plongé... Cet intérêt doit les engager à ne pas décourager des tentatives de la nature de celle que je viens de vous indiquer, et vous ne devriez pas leur refuser vos encouragemens et votre appui moral... » Lord John Russell, en accentuant plus nettement l’attitude de l’Angleterre, se faisait lui-même l’écho de tous les bruits du moment, quand il écrivait encore le 17 janvier 1862 à sir Charles Wyke : « On dit que l’archiduc Maximilien sera invité par un nombre considérable de Mexicains à monter sur le trône du Mexique, et que la nation applaudira à ce changement... Si le peuple mexicain, par un mouvement spontané, place sur le trône l’archiduc d’Autriche, il n’y a rien dans la convention qui s’y oppose. D’un autre côté, nous ne devrions participer à aucune intervention destinée à exercer une pression pour arriver à ce but :