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pas depuis le commencement de l’expédition du Mexique. Ce ne sont point les partisans de l’intervention qui manquent dans la république mexicaine, on peut le dire : seulement ils ont besoin d’être protégés; ils se défient, ils redoutent les représailles. Là où nous paraissons, ils se montrent, et encore ils craignent souvent d’être abandonnés. Faudra-t-il dès lors s’engager dans une occupation indéfinie de tous les points du Mexique ? Le général Forey, aujourd’hui maréchal, écrivait, il n’y a pas bien longtemps, à des Mexicains trop pressés de charger la France de leurs propres affaires, que notre armée occupait soixante-cinq villes, bourgs ou villages entre la Vera-Cruz et Mexico, et qu’elle étendait son action dans un rayon de vingt-cinq lieues autour de la capitale mexicaine. Faudra-t-il occuper toutes les villes, toutes les provinces pour les pacifier, pour faire reconnaître le gouvernement nouveau?

Ce qu’il y a de dangereux, c’est la difficulté extrême d’atteindre le gouvernement établi à San-Luis de Potosi dans ses moyens d’action, dans ses ressources, et cette difficulté est d’autant plus grande que les relations de M. Juarez sont à peu près libres par la mer comme par la terre. On a essayé récemment de paralyser la résistance intérieure par un blocus maritime plus étroit. Malheureusement il suffit de jeter les yeux sur une carte du Mexique pour reconnaître que ce blocus ne peut avoir qu’une efficacité restreinte et problématique. D’abord il ne s’étend pas aux côtes de l’Océan-Pacifique, qui restent pleinement ouvertes; il n’est établi que dans le golfe du Mexique, et ici même il ne peut être qu’une attaque partielle et à demi impuissante. Le blocus en effet laisse au commerce un accès libre sur les points que nous occupons, et il se produit un fait à peu près inévitable : les marchandises soumises, à leur arrivée, aux tarifs de la douane, sont encore exposées, pour s’écouler à l’intérieur, à payer les droits établis par les autorités ou les chefs de bande de M. Juarez. En outre il y a une ville, Matamoros, située sur le Rio-Grande-del-Norte, à environ dix lieues de la mer, et qui par sa position est devenue le centre d’un grand commerce des états confédérés du sud. De ce mouvement commercial, M. Juarez tire, dit-on, un revenu de plus de 30,000 francs par jour. Matamoros, par des considérations politiques, a dû être laissée en dehors du blocus, qui ne commence que dix lieues au-dessous. Ainsi, autant qu’on en peut juger en observant les faits sans illusion, la pacification matérielle du Mexique n’est point encore accomplie; elle reste une des tâches sérieuses de l’intervention, si la France va jusqu’à subordonner entièrement le premier objet de son expédition, le redressement de ses griefs, au rétablissement d’une paix intérieure incontestée.