Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 48.djvu/733

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’examen, soit des autres figures, soit du tableau tout entier. D’abord Otto Venius était à peine au monde que déjà Diane en était sortie, l’une étant morte en 1566 et l’autre né seulement dix ans plus tôt. On peut donc affirmer que le maître de Rubens n’a jamais pris la moindre part à l’œuvre dont nous parlons ici. Et quant à trouver en Flandre, vers le milieu du siècle, un précurseur d’Otto Venius, un peintre, tout ensemble archaïque et novateur, conservant, lui aussi, quelques traditions de l’école des Van Eyck et les associant à un certain reflet du XVe siècle italien, c’est tout simplement chimérique : ce Flamand-là n’existe pas.

Or, du moment qu’on ne peut découvrir, pas plus en Flandre qu’en Italie, le phénix dont nous avons besoin, il faut qu’on nous permette de le chercher en France. Nul autre pays d’Europe n’a rien à prétendre ici. Les peintres allemands étaient alors chez nous comme non avenus. Aucun d’eux n’avait mis le pied sur notre sol. Holbein, allant en Angleterre, s’était acheminé par la route des Pays-Bas. Et quant aux Hollandais, ce n’était ni le vieux Porbus, qui jamais ne quitta ses polders, ni Antonis de Moor (Antonio Moro), déjà en Portugal, et bientôt à Madrid commensal de Philippe II, qui pouvait s’être mis, soit à Chambord, soit à Paris, aux ordres de notre duchesse. Il faut donc de toute nécessité que son choix fût tombé sur un peintre français, le tableau nous le dit lui-même encore plus haut que ces raisons négatives. À la façon gracieuse et tempérée dont est composée cette scène, à l’expression finement ironique, lucide et sans passions, de presque tous ces visages, ne sent-on pas sous la palette un certain fonds d’esprit français ? Ainsi point de question, c’est à nous que le peintre appartient ; mais où le découvrir ? Chercherons-nous de province en province, de maîtrise en maîtrise ? Ce pourrait être long. Plus d’un nom, en apparence obscur, nous serait ainsi révélé, et pourrait avoir quelque droit. Le talent et la renommée étaient en ce temps-là sur notre sol. plus également répartis qu’aujourd’hui. On dessinait, on sculptait, on peignait avec esprit et conscience, au midi comme au nord et dans les moindres villes. Toutefois les astres de province pâlissaient, à vrai dire, devant ceux de la cour. C’est donc auprès du trône, dans la domesticité royale, que nous avons la meilleure chance de rencontrer notre inconnu. Ouvrons, la liste officielle des peintres du roi très chrétien, et afin d’abréger, car cette liste est longue, allons droit à celui dont la suprématie est attestée moins encore par son titre de premier peintre, de peintre en titre d’office, que par l’admiration unanime de ses contemporains, par la prose et les vers de tous les beaux esprits du temps, à commencer par Ronsard : nous parlons de François Clouet.