Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 48.djvu/803

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ISABELLE

Tu le vois, notre chère Pompéa a l’indulgence des âmes qui ont souffert; sur ma demande, elle remet son départ à ce soir.

POMPÉA

Chère comtesse, vous n’avez pas à vous excuser de soupçons que tout justifiait.

ISABELLE

Chère madame Barini, vos habitudes de franchise ont fait tomber le voile sous lequel Henri voulait me dérober son passé; grâce à vous, je le connais tout entier : rien ne gênera donc plus l’abandon de votre causerie.

BARINI

Madame, déza que moun bavardage a bien tourné, zé mé sens soulazée d’oun grand poids, perqué ce né serait pas trop d’oun doublé bâillon per forcer la povera Barini à la dissimulation.

NOIRMONT

Restez ce que vous êtes, mon excellente amie; assez de gens pratiquent aujourd’hui l’art de feindre.


SCÈNE VII.
LES PRECEDENS, EMMA, FRITZ.
FRITZ, avec une sorte de solennité.

Chère sœur, à la suite d’un entretien avec Emma, j’ai obtenu d’elle qu’elle ne différât plus mon bonheur : elle me sacrifie son hiver à Paris, et consent à ce que je la ramène près de sa mère ; là, notre mariage sera célébré suivant nos bonnes coutumes germaniques.

ISABELLE

Tu sais, Fritz, combien j’ai désiré cette union: je vous félicite tous deux; mais qui vous force à nous quitter? Votre mariage ne peut-il avoir lieu aussi bien à Paris, ou même à Maran?

FRITZ, avec emphase.

Emma a sur ce point des scrupules que je partage : il lui semble qu’en France quelque chose manquerait à la sainteté de notre union. Cela peut paraître un préjugé, mais à nos yeux il a la force d’un devoir.

ISABELLE, remarquant son habit de voyage.

Mais vous ne comptez pas partir aujourd’hui?

FRITZ

L’opinion d’Emma...

ISABELLE

La tienne, cher frère?

FRITZ. Emma le regarde comme pour lui dicter sa réponse avec embarras.

Entre celle qui va devenir ma femme et moi il n’y a plus qu’un même sentiment, et nous croyons, puisqu’il faut nous quitter...

EMMA

Oui, ma sœur, une séparation est devenue nécessaire, et pour éviter à tous de pénibles déchiremens, il vaut mieux que notre départ ait lieu sur-le-champ.