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placer dans l’intervalle. Ceux-ci par conséquent, à moins de se hisser les uns sur les autres ou d’enfoncer le mur, ne pouvaient ni déranger le niveau résultant du fait même de leur réunion sur cette sorte de terrasse, ni interrompre la circonférence du cercle que dessinent les pierres du monument. Quant au coloris, les qualités qui le distinguent procèdent, comme les élémens de l’ordonnance, de calculs ingénieux plutôt que d’un sentiment très hardi. Le fond d’architecture blanchâtre sur lequel se détachent les figures des disciples forme une transition adroite entre les tons, naturellement solides, de ce groupe et les teintes transparentes de l’atmosphère qui enveloppé Élie et les anges. La figure d’Élie à son tour ou, pour mieux dire, l’ensemble de la scène céleste que représente la coupole contraste bien, par la limpidité de l’aspect, avec les caractères de la scène retracée sur les murs inférieurs du dôme. Tout enfin, dans ces peintures sagement composées, sagement faites, révèle un esprit et une main bien informés ; tout émane d’une science sans arrogance, mais non pas sans certitude, et qui, sous les dehors de la simplicité, de la bonhomie même, si l’on veut, a au fond sa valeur propre et son genre d’autorité.

La bonhomie, la modération dans l’invention et dans la pratique, ce n’est pas là sans doute ce qui recommande d’ordinaire le talent de Pierre Mignard, et la Coupole du Val-de-Grâce en particulier ne continue guère sous ce rapport la tradition que Bertholet Flemael avait essayé de fonder. Si fastueuse pourtant que nous paraisse cette immense machine, si recherché qu’en soit le style, elle acquiert presque de la vraisemblance et de la mesure lorsqu’on la compare aux ouvrages italiens de même espèce appartenant au XVIIe siècle. Ni le Joseppin, ni Lanfranc, ni les autres fabricans de ces allégories banales qui marquent en Italie la dernière phase de la décadence, n’auraient pris la peine que Mignard s’est donnée ici de subordonner à un effet général, à une composition préconçue, les formes et les intentions de détail. Leur pinceau leste et stérilement fécond se serait promené d’un groupe à l’autre, d’une figure à la figure voisine, tant qu’il y aurait eu quelque espace à couvrir, sauf à laisser ensuite au spectateur le soin d’interpréter le tout à sa guise et de démêler une signification d’ensemble dans ce pêle-mêle d’épisodes pittoresques, de fragmens accolés au hasard.

L’œuvre de Mignard a du moins le mérite d’exprimer des intentions réfléchies, des calculs en vue de l’harmonie et de l’unité. Que cette expression soit souvent emphatique ou embarrassée, que dans cette multitude d’hôtes des cieux faisant accueil ou cortège à la reine Anne d’Autriche, plus d’une figure apparaisse affublée d’une majesté factice, sinon même d’un costume d’opéra, c’est ce qu’il faut bien reconnaître ; mais l’idée première de la composition ne