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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 48.djvu/840

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masses chorales et l’orchestre nombreux qui les accompagne, tout cela forme un spectacle vraiment imposant. L’ouvrage (Olympie de Spontini) a été rendu dans la perfection. L’orchestre surtout possède une vigueur d’exécution dont je n’avais pas d’idée. Le public a beaucoup applaudi, et c’était justice. » Il ajoute : « Je n’essaierai pas de te décrire la manière dont on m’a reçu dans ce pays-ci. Le papier rougirait, si je lui confiais les complimens qui m’ont été adressés par les artistes les plus éminens. Ce sera bien heureux si ma modestie résiste aux rudes épreuves qu’on lui a fait subir à Paris. »

L’aspect de l’Angleterre, la beauté de ses paysages et la grandeur de sa civilisation avaient produit une vive impression sur Weber. Il se sentit d’abord à l’aise sur cette terre couverte de verdure, fécondée par des fleuves dociles et par l’activité d’un peuple sérieux qui tient de si près à la race germanique. Il s’est arrêté avec complaisance sur les moindres détails de la réception qu’il reçut à Londres, et il a donné à sa femme une description minutieuse de l’emploi de son temps. Cependant, au milieu de la joie naïve qu’il éprouvait de voir son nom exciter de si vives acclamations, Weber laissait échapper le regret d’avoir entrepris un si long voyage, et il jetait un regard plein de tristesse sur le coin de terre paisible où se trouvaient les objets de son affection. « Mon Dieu ! s’écriait-il, quand je songe combien de gens s’estimeraient heureux à ma place, je m’afflige doublement de rester insensible à tant de séductions. Que sont devenus la joie et cet amour de l’existence que j’avais jadis ? Tant que ma santé sera chancelante, il n’y a pas de bonheur pour moi. » Cette disposition à la tristesse, ce regret du pays natal et des joies paisibles de la vie domestique se révèlent d’une manière plus énergique dans le passage suivant : « Il fait aujourd’hui un temps à se couper la gorge. Il règne sur toute la ville de Londres un brouillard jaunâtre si épais, que c’est à peine si l’on peut rester dans sa chambre sans lumière. Le soleil privé de ses rayons vivifians ressemble à un point rouge au milieu d’un nuage obscur. Non, je ne voudrais pas vivre dans ce triste climat. Les arbres qui remplissent les places publiques et les nombreux jardins de cette ville sont tous d’un vert sombre qui attriste. Le désir que j’éprouve de revoir le ciel bleu des environs de Dresde est impossible à exprimer. Patience, patience ! les jours s’écoulent l’un après l’autre, et deux mois sont déjà écoulés. »

— Pauvre grand homme, s’écria Mme de Narbal, comme il a souffert !

— Écoutez, madame, les dernières paroles qu’il adressa à sa femme avant de mourir.