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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 48.djvu/853

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des jeunes filles. Elle tenait à la main un rameau de verdure qu’elle venait de cueillir et qu’elle laissa tomber par mégarde. Le chevalier s’empressa de le ramasser et le remit à Frédérique en lui rappelant je ne sais plus quel vers d’un de ses poètes favoris sur la couleur verte considérée comme symbole de l’espérance. Le petit retard occasionné par cet incident, qui n’avait point déplu à la jeune personne, les avait un peu éloignés de Fanny et d’Aglaé, qui suivaient Mme Du Hautchet.

— Quelle soirée délicieuse ! dit Frédérique, rompant un silence qui commençait à l’embarrasser ; en est-il de beaucoup plus belles dans votre pays, monsieur le chevalier ?

— Non, certainement, mademoiselle, répondit Lorenzo. Quand la nature sourit dans ce climat un peu sévère, elle y a un éclat et un charme de nouveauté qu’elle ne possède pas dans les contrées plus constamment heureuses.

— Cependant, reprit la jeune fille, qui s’enhardissait en causant ainsi à haute voix, vous le regrettez bien votre cher pays et vous y pensez toujours, n’est-ce pas, monsieur le chevalier ?

— Oui, toujours, répondit-il avec une légère émotion, surtout lorsque je suis auprès de vous.

— Comment ! répliqua Frédérique avec un étonnement enfantin plein de grâce, comment, sans m’en douter, ai-je le don de vous rappeler de si charmans souvenirs ?

— Hélas ! dit le chevalier,

Quand’ io v’ odo parlar si dolcemente
............
Trovo la bella donna alor présente
Le chiome d’oro all’ aura sparse…

Frédérique savait assez d’italien pour comprendre le sens de ces vers de Pétrarque. Aussi garda-t-elle le silence pendant quelques secondes, jouissant dans son cœur du rapprochement flatteur que Lorenzo avait établi entre elle et le souvenir de Beata, dont elle avait vu le portrait et connaissait l’histoire.

— Elle serait bien heureuse, la femme à qui Dieu réserverait une destinée semblable à celle de la fille du sénateur Zeno,… répondit Frédérique non sans un peu d’émotion.

— Charmante enfant ! dit le chevalier en prenant la main de Frédérique qu’il étreignit affectueusement ; merci du mot généreux qui vient de sortir de votre bouche, et dont je ne m’exagère pas la portée, je vous l’assure, car vous êtes digne de compatir au malheur et de comprendre tous les sentimens élevés.

— Grâce à vos bons soins, monsieur le chevalier, grâce à vos précieux