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Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 48.djvu/911

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pour ses chansons, et Walter Scott remarque que la ballade a mieux conservé sa popularité en Écosse que de l’autre côté de la Tweed. Il en voit la cause dans les mœurs d’une contrée sauvage et reculée, qui ne pouvaient être les mêmes que celles des populations répandues sur un territoire plus riche et mieux cultivé. Quatre volumes, dit-on, composent la bibliothèque d’un houilleur (collier) écossais : la Confession de foi et la Bible pour les parens, la Vie de Wallace pour le fils, et un recueil de ballades pour la fille[1]. Tandis que ces recueils en Angleterre sont empruntés aux bibliothèques, aux cabinets des curieux et des érudits, en Écosse ils sont la plupart du temps tirés de sources orales, et, si nous pouvons parler ainsi, imprimés sur le vif. Walter Scott, James Hogg le berger d’Ettrick, Jamieson, John Leyden, ont pu recueillir ainsi un grand nombre de chants écossais de la bouche des paysans, des colporteurs, des vieilles femmes, et surtout des joueurs de cornemuse attachés de père en fils à d’anciennes familles ou à des villes : tel était le vieux Robin Coastie, mort en 1820, piper de Jedburgh, où ses ancêtres remplissaient cet office depuis trois siècles.

La musique écossaise a des modulations caractéristiques qui consistent en de fréquens passages du majeur au mineur, en de brusques intervalles de la tonique à la dominante, appropriés à la tablature de la cornemuse (bagpipe), qui n’a que neuf notes. Plusieurs airs, malgré quelques chutes étranges pour nos oreilles, ont une mélodie suave et mélancolique. Des écrivains italiens, Tassoni et Gesualdo, ont fait honneur au roi Jacques Ier d’Écosse de ce caractère particulier de la musique écossaise. D’autres l’attribuent à la vie solitaire que mènent les bergers par qui ou pour qui la plupart de ces airs ont été composés. On en cite dont David Rizzio aurait été l’auteur ; il en est d’autres qui reproduisent, avec des paroles plus ou moins profanes, d’anciens chants de l’église catholique, — John, come, kiss me now, — Auld lang syne, — John Anderson my Joe, — We’re a’noddin. Quoi qu’il en soit, rien n’est plus agréable à entendre, même au point de vue purement musical, que plusieurs de ces mélodies : Charlie is my darling, the Blue Bells of Scotlandn Auld Robin Gray, enfin Robin Adair, que Boïeldieu a intercalé dans le troisième acte de la Dame blanche. D’ailleurs il suffit de rappeler, pour l’honneur de la musique écossaise, que Haydn et Beethoven n’ont pas dédaigné de composer des accompagnemens pour des collections d’airs écossais.

  1. Nous avons sous les yeux quelques-uns de ces recueils populaires : The budget of Mirth, The friskey Songster, The usiniers evening Companion, pu-bliés à Glasgow chez Lumsden dans un format portatif, au prix de six pence, et accompagnés de gravures grossièrement coloriées.