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Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/1007

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et celui de Saint-Nicolas ; pourtant les villes de cette région n’eurent toutes qu’une importance secondaire et n’ont laissé que des ruines peu considérables et d’un médiocre intérêt. La plus célèbre et la plus puissante, Ce fut Lyctos, située à quelques heures de Cnosse, dans la partie occidentale du Dicté, connue maintenant sous le nom de Lasiti. Le nom de Lyctos a été conservé par la tradition locale à un site désert tout près du village de Xadi, où nous avons vu quelques inscriptions retrouvées par hasard et deux fragmens de statues romaines. Étant la plus proche voisine de Cnosse, Lyctos. ne pouvait manquer d’être son ennemie acharnée. C’est à ce long duel des deux cités que se rapporte un pathétique récit de Polybe, qui, malgré sa froideur ordinaire ; ne peut se défendre d’une visible émotion en racontant les poignantes péripéties de ces luttes opiniâtres et meurtrières. « Un jour, dit-il, les Lyctiens étaient sortis en masse pour quelque expédition ; sur le territoire ennemi ; les Cnossiens, avertis à temps de cette circonstance, s’emparèrent de Lyctos, restée sans défense, envoyèrent à Cnosse les femmes et les enfans, mirent le feu à la ville, la détruisirent de fond en comble, et, après l’avoir impitoyablement dévastée, regagnèrent leurs foyers. Les Lyctiens, au retour de leur campagne, à la vue d’un pareil désastre, furent saisis d’un tel désespoir qu’aucun d’eux n’eut le cœur de rentrer dans sa patrie en ruine ; tous en firent le tour après avoir, par de longs gémissemens et d’abondantes larmes, déploré leur sort et celui de leur pays, et se réfugièrent sur le territoire des Lampéens. Ils y reçurent l’accueil le plus flatteur et le plus empressé, et, devenus en un jour de citoyens qu’ils étaient étrangers et bannis, ils allèrent avec leurs alliés combattre les Cnossiens. Ainsi périt, par un coup inattendu et terrible, Lyctos, cette colonie de Lacédémone, cette alliée d’Athènes par le sang, la ville la plus ancienne de la Crète, celle qui formait sans contredit les citoyens les plus distingués de l’île tout entière. »

Lyctos, par sa situation même et par tout le système de ses alliances et de ses haines, se rattachait encore à la région centrale que domine l’Ida et aux deux grandes cités, Cnosse et Gortyne, qui s’y disputaient l’influence et la suprématie. Sur l’isthme étroit qui sépare du reste de la Crète sa pointe orientale, ce que l’on appelle aujourd’hui le district de Sitia, s’était élevée, à une époque très reculée, une cité puissante aussi, Hierapytna, qui eut une tout autre destinée. Couverte par toute la masse du Dicté, tournée vers la mer de Libye, où elle avait son port, isolée autant par sa position même que par ses traditions historiques, qui en attribuaient la fondation à des émigrans asiatiques, Hierapytna ne se mêla point aux luttes intérieures de l’île, et employa toutes ses forcés à se rendre