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Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/112

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à l’assemblée, à l’union, à la Grèce et à son nouveau souverain, les saluaient à chaque pas ; les fleurs pleuvaient de toutes les maisons, et cependant cet accueil si brillant n’était rien encore à côté de l’enthousiasme frénétique qui saisit la foule lorsqu’apparut l’archevêque. Il sortait de son palais, s’avançant vers la cathédrale revêtu de ses ornemens pontificaux, et suivi de tout le clergé. Son austère visage exprimait une émotion profonde ; il semblait absorbé dans de pieuses méditations et dans le sentiment d’une ardente reconnaissance envers le Dieu qui lui donnait de voir avant la fin de sa carrière un jour si longtemps appelé de ses vœux et de ses prières. Tout le peuple tombait à genoux sur son passage et se pressait autour de lui pour baiser ses habits, aussi bien les catholiques et les juifs que ses coreligionnaires, tant est grande la vénération qui l’entoure.

La cathédrale de Corfou, comme toutes les églises grecques, est fort petite. Aussi n’avait-on admis à l’intérieur que l’assemblée, le sénat, le corps consulaire et un représentant de chaque village, de chaque corporation et de chaque île. Les portes demeuraient grandes ouvertes pour que du dehors la foule pût suivre la cérémonie. Ce fut l’archevêque qui chanta le Te Deum et prononça ensuite des prières solennelles, accueillies au sein du peuple par des vivat unanimes pour la Grèce, sa prospérité et son avenir, pour le jeune prince appelé à monter sur le trône des Hellènes, pour la reine d’Angleterre, pour les souverains des deux autres puissances protectrices de la Grèce. À la fin de la cérémonie religieuse, M. Marinos, député de Sainte-Maure, prit la parole au nom de l’assemblée et rappela dans un remarquable discours toutes les phases de la lutte du parti national. Après lui, M. Lunzi, secrétaire du parlement, montra dans une brève, mais saisissante allocution comment l’église et la religion avaient sauvé la nationalité grecque lorsqu’on la croyait anéantie, et fit ressortir aussi la part qu’avait eue le clergé dans le réveil de l’esprit patriotique aux Iles-Ioniennes. Il adjura enfin ses concitoyens de demeurer fidèles à cette association des idées de patrie et de foi où la cause grecque puisait toute sa force, et à cette confiance en Dieu qui les avait soutenus dans les plus redoutables périls.

La journée suivante fut marquée par un autre Te Deum, chanté à la cathédrale catholique. Les catholiques sont nombreux dans les Iles-Ioniennes ; à Corfou seulement, leur nombre s’élève à 8,000. Leur situation morale dans les sept îles est tout autre que dans le royaume de Grèce. Régis d’après des bulles obtenues des souverains pontifes par le gouvernement de Venise, et dans lesquelles est empreinte la haute sagesse politique qui caractérisait ce gouvernement,