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Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/145

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C’est un vaisseau en bois à deux ponts, portant dans ses batteries 90 canons du calibre de 30, ayant sur le pied de guerre un équipage de 920 hommes, pourvu de la même mâture que nos anciens vaisseaux à voiles de deuxième rang, déployant une superficie de voilure de 2,800 mètres, armé d’une machine de la force de 900 chevaux, semblable en tout aujourd’hui à celle des navires contre lesquels il allait être essayé. Sa longueur est de 71 mètres, sa largeur de 16 mètres 80 cent., son tirant d’eau moyen en chargé de 7 mètres 80 cent., son déplacement de 5,200 tonneaux, sa hauteur de batterie de 1 mètre 80 cent. Il porte un mois d’eau, trois mois de vivres et de rechanges, et 600 tonneaux de charbon.

L’autre vaisseau, qui ne rejoignit la division d’essais qu’à la relâche de Brest, était le Tourville, et si ce que l’on m’a conté est vrai, la raison qui le fit réunir à l’escadre est une preuve excellente de la sincérité et de la loyauté avec lesquelles ces études ont été conduites. Pendant les quelques jours que l’on passa à Brest après le coup de vent du 1er octobre 1863, on parlait naturellement beaucoup de l’expérience que l’on venait de faire, et les sectateurs des nouveaux dieux se montraient naturellement aussi très satisfaits ; mais il y avait encore des sceptiques qui ne voulaient pas se rendre. Ils arguaient de choses qui semblaient, aux yeux des marins, n’être pas tout à fait sans raison. Ils disaient que cette expérience n’était pas pour eux aussi concluante qu’elle le paraissait aux autres, attendu que tous les navires qui venaient d’être éprouvés, étant tous les fils d’un même père, devaient nécessairement, s’ils avaient les qualités de la famille, en avoir aussi les défauts. C’était par la comparaison avec d’autres types de familles différentes que les mérites ou les vices des constructions nouvelles pourraient surtout être mis au grand jour. Le Napoléon était un très grand marcheur, nul ne le contestait ; mais on lui reprochait d’avoir des mouvemens de roulis d’une amplitude considérable. On prétendait, et cette opinion était assez répandue parmi nos officiers, que, sous le double rapport des roulis et de la facilité à évoluer, le Napoléon était inférieur à nos anciens vaisseaux, à ceux de l’illustre Sané, et particulièrement à son Iéna, le vaisseau favori de l’amiral Lalande.

Il n’y avait pas moyen de faire comparaître l’Iéna, car il a été rayé des listes de la flotte ; mais un hasard heureux permit qu’au moment où. ces questions s’agitaient avec toute la chaleur qu’y devaient mettre des hommes du métier, il se trouvât à Cherbourg dans la première classe de la réserve, c’est-à-dire capable d’être armé dans l’espace de vingt-quatre heures, un vaisseau qui est la reproduction scrupuleusement exacte de l’Iéna : c’est le Tourville. Il ne diffère de son prédécesseur que par la machine à vapeur de 650 chevaux de force qui lui a été donnée ; mais tel est le respect qu’on a