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naître le traité de Londres et de séparer à jamais les deux duchés de la monarchie en soutenant les prétentions du duc d’Augustenbourg. Par là les Allemands se vengent de l’omission dédaigneuse que les puissances ont faite de la diète au moment de la conclusion du traité de Londres, par là les états secondaires font sentir à la Prusse et à l’Autriche que leur association à un acte européen ne suffit point pour impliquer et entraîner l’adhésion de l’Allemagne. Enfin tous les partis germaniques, pour le moment du moins, trouvent leur compte à cette revendication. Les états secondaires que le mouvement unitaire menace les premiers se font une popularité inattendue en devenant les organes les plus vifs du sentiment national ; le parti unitaire a le droit d’espérer que l’émotion qui s’est emparée de l’Allemagne profitera à une réorganisation plus concentrée et plus forte de la confédération. L’Allemagne du midi et l’Allemagne du nord, d’habitude si profondément divisées, doivent à cet incident un accord dont la nouveauté les surprend et les enchante. Tout ce qui se passe aujourd’hui en Allemagne à propos du Slesvig-Holstein a donc le caractère d’une crise qui aura des suites importantes et prolongées.

Le phénomène le plus curieux que présente cet état de choses, c’est l’inefficacité dont paraît être menacé le traité de Londres. Ce traité n’avait pas été seulement un acte prudent, honnête et désintéressé ; il était l’œuvre de six puissances, dont cinq sont les premières de l’Europe. Il semblait donc revêtu de la plus haute autorité morale et matérielle. À en juger cependant par la conduite actuelle des Allemands, ce traité est exposé à n’avoir aucune force. Les Allemands n’en font aucun cas et semblent prêts à le bafouer. D’où vient cette impuissance probable de l’autorité européenne la plus élevée formulée dans le traité de Londres ? Elle vient de l’état actuel des relations entre les grandes puissances qui ont signé ce traité. Pour que les actes diplomatiques aient une force véritable, il faut qu’ils aient une sanction exécutive. Au bout d’un traité comme au bout d’un congrès, quand il n’y a pas une alliance de puissances résolues à faire exécuter leurs décisions, traités et congrès ne sont que de stériles manifestations et de vaines parades. Sans de telles alliances, les traités demeurent sans vertu, et ne sont que du parchemin griffonné et taché de grands cachets de cire. Dans l’affront auquel est exposé le traité de Londres, on peut voir la révélation du mal dont souffre aujourd’hui l’ordre européen. Il n’y a plus d’alliances ; les traités généraux sont par conséquent dénués d’efficace. Ces traités commencent à ne plus protéger les faibles ; on ne tardera pas avoir s’ils peuvent protéger les forts. Vouloir faire des traités et des congrès nouveaux quand on ne sait pas conserver ou faire des alliances, c’est une entreprise frivole.

Quoi qu’il en soit, si l’on se demande quelle issue peut maintenant avoir la question danoise, on se trouve en présence de trois solutions, dont les moins violentes sont encore hérissées de difficultés et de complications. Au point où les choses en sont venues, nous croyons qu’en aucun cas l’Alle-