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Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/339

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pays natal, et que là seulement elles pouvaient exercer une salutaire influence. David allait plus loin. « La vue de ces tableaux et de ces statues, disait-il, formera peut-être des savans, des Winckelmann ; mais des artistes, non. »

À ne parler pour le moment que des savans et des antiquaires, Louis David ne se trompait pas. Les marbres du Vatican installés au Louvre excitèrent et portèrent jusqu’à la passion ce goût des études archéologiques et de l’histoire de l’art que diverses circonstances, mais principalement la découverte d’Herculanum, puis celle de Pompéi, avaient fait naître dès le milieu du XVIIIe siècle. On demeurait confondu de la perfection de ces statues d’hommes, de dieux, de déesses, auxquelles pouvaient être comparées un seul instant les œuvres les plus achevées de notre art national. On se demandait si ces modèles de beauté étaient décidément inimitables ; mais on inclinait à croire qu’ils seraient égalés, surpassés même, pourvu que l’érudition sût retrouver et indiquer au juste les conditions dans lesquelles l’art grec avait longtemps et admirablement fleuri. L’institut partageait cette illusion ou cette espérance, lorsque deux ans plus tard, en l’an VIII, il proposa pour sujet de concours la belle question que voici : « quelles ont été les causes de la perfection de la sculpture antique, et quels seraient les moyens d’y atteindre ? » Il est probable que de nos jours la même question serait énoncée en termes un peu différens : on demanderait, non plus quels sont les moyens d’égaler la sculpture antique, mais s’il existe encore de tels moyens. Ce dernier langage supposerait un doute ; celui des académiciens de l’an vin n’en admettait pas. Ils comptaient évidemment sur une réponse affirmative, et ils l’obtinrent.

Cette réponse fut donnée par Emeric David dans un mémoire qui reçut la couronne du concours. L’Institut avait jugé que, malgré quelques défauts et certaines opinions contestables, ce manuscrit présentait « un assez grand nombre d’idées et d’observations propres à accélérer la marche de l’art vers sa perfection. » Il invita en conséquence l’auteur à publier cet ouvrage, qui parut bientôt après sous le titre de Recherches sur l’art statuaire, considéré chez les anciens et chez les modernes. Le livre venait à propos ; il plut aux savans par une certaine érudition et des textes habilement groupés, aux artistes par des connaissances techniques puisées dans l’atelier même, à tout le monde par une admiration sincère des chefs-d’œuvre et un vif amour du beau, exprimés dans un style dont la chaleur, parfois un peu déclamatoire, convenait au goût du temps. Il eut donc alors une grande vogue. Mais la question qu’Émeric David agitait, l’a-t-il résolue ? ou bien est-elle encore pendante et faut-il la