Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/454

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la promesse du remboursement des billets au pair ; mais cette illusion fut de courte durée et suivie d’une lourde chute, cause de nombreux désastres. Ce dernier chapitre de l’histoire du papier-monnaie russe n’est pas le moins curieux ni le moins fécond en enseignemens. Alors qu’elle semblait entrer dans le port, la Banque de l’État a fait naufrage. En vertu d’une autorisation impériale communiquée par le ministre des finances en date du 7-19 novembre 1863, la Banque de l’État a subitement arrêté jusqu’à nouvel ordre tout échange de billets : le cours forcé a reparu, accompagné de son cortège habituel de dépréciation. Comment ce changement à vue a-t-il pu. s’opérer après un acte tel que l’échange au pair qui devançait l’époque fixée du 1er janvier 1864 ? Un organe russe, le Journal de Saint-Pétersbourg, s’est chargé de l’expliquer.

Depuis le 1er mai 1862, jour où a commencé l’échange à prix réduit, jusqu’au 1er janvier 1863, le numéraire métallique payé avait dépassé en huit mois le numéraire reçu par la banque de 10 millions 37,000 roubles, c’est-à-dire de 1 million 250,000 roubles en moyenne par mois ; le cours du change avait haussé de 4 1/2 pour 100. L’excédant de sortie des espèces, principalement de l’or, s’est accru depuis. Il s’est élevé à 2,287,000 roubles au mois de janvier, à 4,921,000 en février, à 7,723,000 en mars, à 10,213,000 en avril, à 10,367,000 en mai, à 2,233,000 en juin, à 6,751,000 en juillet, et à 4,408,000 dans les premiers jours d’août. Depuis le 6 août, la banque délivra au lieu d’or de l’argent en échange des billets. Les demandes de remboursement diminuèrent, mais on multiplia celles des lettres de change, ce qui altérait les cours. La banque résolut de les soutenir en délivrant les lettres de change à un taux rapproché de celui de l’argent. Soit qu’elle essayât de faire tête à l’orage en affectant une confiance absolue, soit que des intérêts puissans l’eussent poussée à cette détermination, elle délivra, sur les sommes de l’emprunt encore disponibles à l’étranger, en échange des billets de crédit, des traites sur diverses places, au lieu de donner de l’or à Saint-Pétersbourg. Elle céda ces traites à un taux qui a été maintenu au pair pendant deux mois. Dans une lettre livrée à la publicité, M. le baron Stieglitz, gouverneur de la Banque de l’État, déclare le 28 novembre 1863 que celle-ci a usé de l’autorisation dont elle avait été munie, en donnant des roubles espèces contre des roubles papier dès le 1er septembre 1863 au lieu de ne le faire que depuis le 1er janvier 1864, comme elle l’avait annoncé. Elle a ainsi fourni l’occasion, pendant deux mois, d’acheter des traites au pair sur l’étranger, ou de prendre des roubles effectifs : les mieux instruits et les plus avisés n’en ont-ils pas principalement