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Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/503

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trentaine de millions ; la France prouve en outre constamment les progrès de sa richesse par le développement de son commerce et par l’accumulation annuelle de ses épargnes, qui suffit à défrayer de nombreux emprunts d’état et de grandes entreprises étrangères. Cependant à des intervalles trop rapprochés nous sommes périodiquement contraints de trahir les embarras de notre trésorerie, soit en recourant à des réalisations de ressources brusquées, soit à des emprunts sous une forme directe, soit à des émissions excessives de bons du trésor, soit enfin à de nouvelles émissions de rentes. Il y a là quelque chose d’anormal, de peu digne de l’honneur financier de la France, d’inquiétant pour la marche des affaires, qui frappe tout le monde et dont tout le monde se plaint, on peut le dire, sans distinction de partis et d’opinions politiques. L’empereur, on doit le reconnaître, s’est dignement ému de cette situation lorsqu’à la fin de 1861 il renonça spontanément à la faculté d’ouvrir des crédits par décrets. Non-seulement l’empereur s’émut alors, mais il crut avoir trouvé le remède au vice de la situation financière en acceptant le nouveau système de comptabilité proposé par M. Fould ; mais un mode de comptabilité financière pouvait-il être un remède suffisant ? C’est la question à laquelle une expérience de deux années n’a malheureusement pas répondu d’une façon satisfaisante.

Une méthode de comptabilité, quelque perfectionnée qu’elle soit, ne peut avoir d’influence sur l’équilibre même des recettes et des dépenses ; elle ne peut servir qu’à faire connaître plus exactement et en temps plus opportun les élémens de la recette et de la dépense publique. La vertu d’une bonne comptabilité est en quelque sorte passive ; elle ne vaut qu’autant que ceux qui ont en leur pouvoir la recette et la dépense veulent profiter des lumières qu’elle leur donne. Le sénatus-consulte de 1861 ajoutait, il est vrai, une garantie à la comptabilité inaugurée par M. Fould. Les crédits supplémentaires devaient être ouverts non plus par des décrets, mais par des lois. La prérogative et la responsabilité du souverain étaient ainsi transférées en partie au corps législatif. L’équilibre des budgets étant ordinairement troublé par les dépenses imprévues auxquelles il est pourvu par des crédits supplémentaires, le nouveau système augmentait considérablement la responsabilité et en même temps le pouvoir du corps législatif. L’intérêt de l’équilibre financier était, par cette innovation, confié en très grande partie au corps législatif. Nous avons toujours pensé que l’opposition n’avait pas été juste dans l’appréciation de cette importante concession faite au pouvoir parlementaire. C’est à nos yeux une chose considérable pour le corps législatif d’avoir été ainsi associé de très près à la responsabilité des mesures qui peuvent porter le trouble dans l’équilibre financier. L’intervention prompte et opportune de la chambre dans le vote des crédits supplémentaires lui donne un pouvoir réel, et qui doit devenir très efficace, sur la politique d’où peut sortir une dépense extraordinaire et excessive. L’habitude du nouveau système une fois prise, il est évident que la perspective seule d’une délibération nécessaire de la