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gnée à un système de gouvernement consacré à établir fortement les intérêts d’ordre et la date promise à un développement constitutionnel qui donnerait satisfaction aux intérêts de la liberté ? Il nous semble que notre hypothèse ne saurait être accusée de témérité, quand nous songeons que les importantes mesures qui ont augmenté les prérogatives de la chambre, et qui ont déterminé les récens progrès du régime représentatif parmi nous, ont marqué la fin de la période décennale, le décret du 24 novembre la devançant d’une année, le sénatus-consulte de 1861 coïncidant avec elle. On peut donc dire en toute justice, à l’avantage du mouvement libéral actuel, que l’empereur en avait en quelque sorte fixé lui-même la date originelle, et que, cette date arrivant, il n’a point hésité à lui donner l’impulsion.

L’empereur, en fait d’initiative libérale, a rempli une partie de sa tâche ; c’est maintenant au pays de remplir la sienne par la ferme expression de ses vœux. C’est ce que le pays a commencé à faire aux dernières élections et ce que font en ce moment à la chambre ses représentans libéraux. M. Thiers a eu surtout le bonheur d’entreprendre la revendication des libertés publiques dans une forme vraiment digne d’elles. Toutes les formules de l’admiration ont été épuisées à propos de ce magnifique discours. M. Thiers vient de rendre à la France l’orgueil de l’éloquence politique. Son discours est l’harmonie de la justice, du bon sens, du patriotisme et de l’intuition profonde de l’homme d’état, et sur cette large composition si merveilleusement fondue sourit cette grâce subtile qui dépasse même l’élégance française et atteint le charme de l’esprit athénien. M. Thiers a posé et analysé les cinq conditions pratiques de la liberté politique : la liberté individuelle, la liberté électorale, la liberté de la presse ou de l’opinion, la liberté de la représentation nationale, la liberté grâce à laquelle l’opinion du pays, constatée par la majorité des représentans, devient directrice des actes du gouvernement. Nous ne pouvons avoir la pensée de discuter après M. Thiers ces conditions de la liberté. Il nous suffira de dire que ce discours est un monument classique, destiné plus qu’aucune manifestation des grands initiateurs de la révolution française a fixer le sens et l’agencement pratique des principes de gouvernement que cette révolution a créés, et qu’il en faudra invoquer l’autorité toutes les fois qu’il s’agira en France de conformer nos institutions à la nature des choses.

Le ministre d’état, M. Rouher, a répondu à M. Thiers. Nous ne relèverons que deux points dans le discours de l’orateur du gouvernement : son opinion sur la liberté de la presse et les conseils de patience qu’il a donnés à l’opposition libérale. M. Rouher a fort maltraité la presse : il l’a accusée d’être un monopole et un moyen d’agression, de n’offrir aucune garantie de réciprocité et de responsabilité sérieuse. Cette appréciation un peu passionnée nous a surpris de la part de M. Rouher ; elle a été appliquée par leurs adversaires à toutes les libertés naturelles. On se souvient que M. Royer-