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Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/659

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tante, ô monsieur l’abbé, je n’y mettrai aucune rigueur. Mlle Louise restera ici le temps qu’elle voudra. Je n’exige pas… — Vraiment ! » répond Julio. Quant à la vieille Madelette, qui a maintenant quelque remords d’avoir peut-être aidé à la spoliation de ses jeunes maîtres et qui éprouve aussi le regret poignant de se voir inscrite pour si peu sur le testament, elle est vite expédiée. « Maintenant, Madelette, lui dit paternellement le pieux Tournichon, faites emporter vos hardes. — Oh ! vous attendrez bien, dit Madelette, que mon neveu vienne de Valcabrère me chercher avec sa charrette ? — Oui, je vous donne pour cela le reste de la semaine. — Vous êtes vraiment généreux !… » Et l’héritage de la douairière de La Clavière va grossir le budget des jésuites, où figurent des noms peut-être faciles à deviner dans le pays, et qui s’élève à une somme assez ronde en réalité ou en espérances, « à moins, dit un des bons pères, que quelque procès de parens cupides et sans religion ne vienne nous enlever ces héritages ! »

On est ici à un moment grave de ce récit singulier, et je ne saurais trop dire si à chaque instant la réalité ne se mêle pas à la fiction. Maintenant que fera l’abbé Julio ? Pour revendiquer l’héritage de sa famille, dans l’intérêt de sa sœur bien plus que dans son propre intérêt, s’engagera-t-il dans une lutte où il peut achever de se perdre ? Cédera-t-il au contraire et sanctionnera-t-il de son silence la spoliation ? En cette extrémité, il a certes encore un moyen de se sauver lui-même, de se réconcilier, de faire oublier son malheureux passé, — au moins pour le moment. On ne néglige rien pour lui faire sentir le danger de la résistance. Tout ce qu’il y a de ressorts avoués ou secrets, religieux où mondains, au service d’un ordre puissant, est mis en jeu. L’archevêque Le Cricq lui-même intervient de son autorité impérieuse et tranchante pour faire plier le jeune prêtre ; il a tour à tour dans la bouche la caresse et la menace, la menace des peines ecclésiastiques, et si l’on doute encore que celui qui a écrit ces pages soit réellement un prêtre, on ne doutera plus après cette conversation, qui est une des scènes les plus audacieuses du livre, je parle des scènes qui ne dépassent pas une certaine vérité. Julio ne cède pas cependant. Ce n’est pas tant l’intérêt qui parle en lui et le pousse en avant, c’est l’instinct de la justice protestant contre la spoliation, c’est aussi la pensée d’accepter la lutte contre une domination envahissante. Il ne refuse pas d’obéir à son évêque dans tout ce qui tient au ministère sacerdotal ; pour tout le reste, il se retranche dans son droit d’homme et de citoyen. « Ils sont beaux, vos droits de citoyen ! s’écrie l’archevêque. Voilà bien encore une autre idée. Je l’ai entendu faire cette distinction : le prêtre et le citoyen. Eh bien ! monsieur le curé, sachez que l’épiscopat