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Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/664

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de faim, sans compter un commerce de messes qu’il organise. Voilà cette bohème sacerdotale que l’auteur ne flatte pas.

Quant à l’abbé Julio de La Clavière, il est évidemment au-dessus de ce monde par les mœurs et par le caractère comme par l’intelligence, et il n’est pas de ceux qui se perdent dans ces abîmes. Il a passé, lui aussi, il est vrai, parmi les diacres d’office, mais en homme qui porte intacte la dignité sacerdotale. Il vit simplement avec sa sœur dans une petite maison d’une rue obscure, et tout son temps il le consacre au travail de la pensée. — Vous souvenez-vous d’un journal qui, au dire de l’auteur, aurait paru il y a peu d’années, et non sans retentissement dans le clergé, — le Catholique libéral ? C’est Julio qui le dirigeait et l’animait de son esprit, abordant les plus hautes questions avec un mélange d’éloquence et de talent de polémiste. Vous souvient-il encore de conférences prêchées, il n’y a pas longtemps, à Saint-Eustache par un jeune prêtre qui développait d’une parole hardie des thèses de liberté et de rajeunissement religieux ? C’est Julio, à ce qu’il paraît, qui était ce prédicateur. De plus l’abbé Julio de La Clavière est accueilli dans un certain monde. Sa sœur doit à sa naissance et à d’anciennes relations d’être l’amie de la baronne de Tourabel, une des dames de la cour, qui l’attire et la fête ; mais ne craignez rien : l’hostilité veille et fait son œuvre, et déjà s’élève le murmure accusateur. « C’est un Gavazzi ! c’est un Passaglia ! » Quoi donc ! sera-t-il permis à un prêtre infidèle, qui a fait un procès aux jésuites, qui est à demi condamné, de prêcher les doctrines les plus affreuses dans un journal ou dans la chaire ? Même les relations du monde se ressentent du progrès de l’influence ennemie. Il est de mode d’être pour le pape-roi et les jésuites. C’est peut-être faire sa cour, c’est au moins ne pas se brouiller avec le faubourg Saint-Germain. « N’allez donc pas, ma chère, vous encanailler avec ces Julio, dit une comtesse bien dressée à Mme de Tourabel. Je vous donne charitablement cet avis. On s’étonne de vous dans notre société ; vous finirez par y être mal vue et par mécontenter tous les nombreux amis que vous y avez. » Et le fait est que cette aimable comtesse, qui se signerait rien qu’à voir Julio, l’abominable auteur d’articles contre notre saint-père et les jésuites, cette aimable comtesse a porté son coup. Louise de La Clavière ne trouve plus chez Mme de Tourabel qu’un accueil plein de froideur, et elle se retire le cœur blessé. Le Catholique libéral meurt de toutes les interdictions qui pleuvent sur lui ; les conférences de Saint-Eustache cessent devant un tumulte habilement organisé contre le prédicateur. Tout se ferme pour Julio, à qui on en vient même à faire retirer le droit de dire la messe à Paris. Que faire alors ? Le prêtre frappé et réduit au silence va-t-il enfin se révolter