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LE
ROMAN ANGLAIS CONTEMPORAIN

UNE REFORME PAR LE ROMAN.

Hard Cash, by Charles Reade. London, Sampson Low, Son and Co. ; 3 vols.

Faire du roman un moyen de réforme dans l’ordre matériel ou moral, c’est-à-dire soutenir, propager par les seules armes de la fiction une idée pratique, une idée de progrès, combien de fois l’esprit anglais ne s’est-il pas proposé une pareille tâche ! C’est encore sur une tentative de ce genre que notre attention est appelée par l’ingénieux récit dont nous essayons aujourd’hui l’analyse. Hard cash, — l’argent dur, l’argent impitoyable, — tel est le titre du dernier roman de M. Reade, et cette donnée générale, la fatalité de la richesse, ne semble pas promettre, à première vue, une œuvre bien nouvelle. Qu’on réfléchisse cependant à ce que peut devenir en ce monde l’influence d’un portefeuille bien garni de billets de banque. Si le portefeuille ferme à clé, s’il a des dimensions respectables, et si le trésor qu’il recèle équivaut à ce qu’on est convenu d’appeler une « fortune, » ce petit meuble est tout à coup investi d’un intérêt, — nous dirions presque d’une majesté, — qui appartient ici-bas à bien peu de créatures humaines. Douez-le, par une magie quelconque, d’un minimum d’intelligence, si restreint qu’il puisse être, qu’il ait des volontés plus ou moins raisonnables, des caprices plus ou moins absurdes, il sera écouté, obéi à l’égal de tel banquier, de tel oncle à succession, qui n’est en somme, — abstraction faite de certains attributs peu essentiels, — qu’un portefeuille animé, une sorte d’incarnation bouddhique du dieu Mammon. Laissez-le dans son état inerte et passif, il n’en aura pas moins