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Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/785

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LA BAGUE D’ARGENT.

démarche que je suis venue tenter auprès de vous était bien hardie sans doute.

— Oui, bien hardie.

— Et bien des gens qui vous connaissent, si je les avais consultés, m’auraient dit qu’elle était folle ; mais moi, qui vous connais mieux, je dis encore qu’elle ne l’est pas. Oh ! je m’attendais à vos mauvais traitemens ; mais je comptais vous lasser et vous vaincre. Vous le voyez, je souffre ; pourtant ce n’est pas de la pitié que je me flatte de vous inspirer jamais. Il faut laisser, en entrant ici, toute espérance de ce genre. Je ne suis venue vous demander que du secours parce que...

— Achevez cette fois votre pensée,... interrompit la baronne, parce que je vous le dois.

— Parce que vous me le devez ! reprit courageusement Lucy, parce que, si bas que je sois tombée, en supposant que vous n’offensiez point la vérité dans ce que vous dites, c’est à vous de me relever quand l’occasion vous le commande, parce qu’il convient que ce soit vous et non une autre qui me prêtiez la main, parce qu’il est de votre intérêt de le faire, que je porte votre nom, et que l’opinion vous blâmerait si vous ne le faisiez point, parce qu’il n’est pas jusqu’à votre réputation de charité qui ne vous y oblige et qu’on ne manquerait point de vous tourner votre charité même à crime, si vous agissiez différemment. Ah ! considérez au contraire l’honneur qui vous reviendrait si nous réussissions toutes deux, moi, madame, à recouvrer l’état que j’avais autrefois dans le monde, et vous à me le rendre ! C’est pourquoi je suis venue sans crainte vous raconter ici l’événement qui a changé mon cœur et qui doit changer ma vie, et vous demander votre secours. C’est aussi pourquoi je ne reconnaîtrai point votre prudence ordinaire, si vous me le refusez.

— Eh bien ! fit la baronne.

— Eh bien ! madame ?

La baronne d’Espérilles parut brusquement se décider à se rasseoir. C’était un commencement de réponse ; mais la fin ne vint pas. Lucy ne respirait plus.

— Eh bien ! reprit enfin la baronne, je ne comprends point ce que vous voulez de moi.

— Ah ! madame, s’écria Lucy, faites donc un effort, je vous en supplie, pour le comprendre. Ce que je veux de vous, mais c’est votre approbation claire, ouverte, hautement déclarée, à ce mariage que j’espère ; c’est l’ombre de votre réputation pour m’abriter contre la calomnie qui m’entoure ; c’est la puissance de votre vertu et de votre piété pour imposer silence aux méchans et pour me faire rendre justice. Ce que je veux, c’est notre ancienne amitié retrou-