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Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/879

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rent tués. Lui-même se vit forcé de demander la paix pour sauver sa famille et ce qui restait de sa tribu.

Une autre légende plus importante encore est celle de Whaïapu et Poutini ; celle-ci raconte comment et par qui la Nouvelle-Zélande fut découverte et peuplée. Poutini et Whaïapu sont deux pierres, l’une de jade gris, espèce de roche dure dont les Néo-Zélandais fabriquent des outils, des armes et des ornemens[1], l’autre d’obsidienne, qui sert à travailler la première. Ces deux pierres étaient sans doute d’inestimables trésors et peut-être des talismans, car on se les dispute les armes à la main. Ngahué, propriétaire de Poutini, est vaincu et cherche en vain un refuge sur une terre étrangère[2]. Vivement poursuivi, il prend le parti de chercher un lieu où lui et ses pierres puissent rester en paix. « Il trouva dans la mer cette île Aotéaroa[3], et il pensa d’abord à y débarquer. Ensuite il réfléchit qu’il serait encore trop près de ses ennemis, que la guerre pourrait recommencer, et qu’il valait mieux aller plus loin, très loin, avec ses pierres. Il les emporta donc avec lui et longea les côtes jusque Arahura[4]… Et il arriva, en continuant à côtoyer les rivages, à Waïrere[5] ; il visita Whangaparoa et Tauranga. De là il retourna directement à Hawaïki. » Ngahué avait rapporté de son expédition une certaine quantité de jade qui lui servit à fabriquer deux haches et des ornemens pour les oreilles et le cou. La tradition garde le nom de tous ces objets, dont quelques-uns avaient été conservés jusqu’à nos jours. Le pendant d’oreilles, appelé kaukau-matua, a disparu en 1846, et la hache tutauru a été perdue plus récemment encore par les derniers propriétaires, dont on donne les noms.

En revenant d’Aotéaroa, Ngahué trouva les habitans d’Hawaïki engagés dans une guerre générale. Quelques-uns d’entre eux, séduits par les descriptions du voyageur, se déterminèrent à émigrer vers la terre nouvelle qu’il annonçait. Leur premier soin fut de se procurer les canots nécessaires pour un pareil voyage. Dans cette intention, Rata, Wahié-roa, Ngahué, Parata et quelques autres

    dans le texte anglais a une ou deux syllabes, et cette abréviation, certainement fondée sur les usages locaux, est indiquée par une apostrophe (’). Nous adopterons le procédé abréviatif de sir George Grey.

  1. Sir George Grey appelle jaspe cette pierre, qui est en réalité une espèce de jade, le jade axinien ou pierre des Amazones. (Brard).
  2. L’ennemi de Ngahué est une femme chef, une de ces reines comme Wallis et Cook en trouvèrent à Tahiti et comme celle qui règne encore dans cette île.
  3. L’île septentrionale de la Nouvelle-Zélande (note de sir George Grey).
  4. Sur la côte occidentale de l’île du milieu.
  5. On croit qu’il s’agit d’une localité située sur la côte orientale de l’île septentrionale.