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Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/893

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plus qu’à chercher une île Bouro dans la Malaisie orientale, et là en effet nous en trouvons une qui porte un nom à peu près identique. C’est l’île Bourou des géographes, grande et belle terre placée à l’ouest de Céram et à une centaine de lieues à l’est des Célèbes. Il y a là au moins une coïncidence curieuse. Nous n’hésitons pas du reste à reconnaître que cette détermination du point précis d’où serait sortie la première émigration polynésienne est quelque peu hypothétique ; mais, vînt-elle à être reconnue inexacte, le fait même de l’émigration n’en resterait pas moins hors de toute contestation.

Or nous voyons celle-ci se scinder dès le début, soit que le même flot d’émigrans se soit partagé en deux courans après avoir dépassé les îles Salomon, soit que deux colonies contemporaines, ou se suivant de très près, se soient portées dans deux directions différentes au-delà de ces îles[1]. L’une est allée directement à l’archipel des Navigateurs ou Samoa, et s’est étendue jusque dans celui de Tonga ; l’autre a gagné les îles Fiji ou Viti. Là elle a trouvé le sol en partie occupé déjà par des populations nègres. Les deux races ont assez longtemps vécu à côté l’une de l’autre, mais à un certain moment la guerre de couleurs a éclaté. Les blancs[2] ont été vaincus et chassés. Or, soit que pendant leur séjour ils se soient alliés aux noirs, soit qu’après leur défaite ils aient laissé aux mains de leurs adversaires un assez grand nombre d’individus et surtout des femmes, toujours est-il que la race nègre des Fijis a été profondément modifiée par des croisemens dont on reconnaît encore aujourd’hui les traces irrécusables[3]. En même temps ils emportaient avec eux dans leur langage, dans leurs mœurs, un certain nombre de traits spéciaux empruntés à leurs vainqueurs, et qui de nos jours encore distinguent leurs descendans de toutes les autres tribus polynésiennes[4].

    cêtre des Tongas en particulier est aussi une de leurs principales divinités, et cet ancêtre est Tangaloa (le Taaroa des Tohitiens). Il est tout simple dès lors qu’ils regardent comme sainte la localité dont il s’agit.

  1. Les îles Salomon appartiennent à la Mélanaisie.
  2. Les traditions fijiennes donnent ce titre aux tribus polynésiennes, qui le méritent en tout cas par comparaison.
  3. Les Fijiens sont très manifestement mêlés de nègres et de Polynésiens. Sous le rapport du teint, de la chevelure, des caractères intellectuels et moraux, ils se rattachent à la fois aux deux races. C’est un point sur lequel s’accordent tous les voyageurs.
  4. On comprend qu’il est impossible d’entrer ici dans le détail des faits qui ont conduit M. Hale aux conclusions que je résume. Je me bornerai à dire que la méthode suivie par l’ethnologiste américain à l’égard de ces peuples lointains est exactement la même qu’emploient nos savans quand il s’agit des populations européennes. Le langage et en particulier les noms de lieu lui servent surtout à éclairer et à compléter les données de la tradition et les indications fournies par les caractères physiques. L’em-