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Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/897

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dès lors conduit à se demander d’où pouvait provenir cette population. Or on la trouve bien aisément dans les îles de la Micronésie. Si Kadou, dont nous avons raconté l’histoire, au lieu de partir des Carolines pour arriver aux îles Radak, était parti de ces dernières et avait fait à peu près la même route dans la même direction, c’est précisément aux Sandwich qu’il aurait pris terre. Or parmi les populations micronésiennes il en est de fort noires, et qui méritent presque le titre de mélanaisiennes. Il n’y aurait rien que de très simple à supposer qu’elles avaient abordé aux Sandwich avant les Polynésiens, et que les deux races s’y sont fondues en une seule. On explique ainsi très aisément pourquoi les Hawaiiens ont généralement le teint plus foncé que la plupart des autres habitans de la Mer du Sud.

Cette interprétation des légendes et des faits quelque peu exceptionnels que présentent les Sandwich s’applique probablement aussi à ce qu’on observe sur un autre point de la Polynésie : je veux parler de cet amas de récifs, d’îlots et d’îles basses qui cerne pour ainsi dire de trois côtés les Iles de la Société. En voyant ce vaste archipel[1] traversé au nord par la route qui conduit de Tahiti aux Marquises et peuplé à son extrémité méridionale, aux îles Gambier, par des émigrans venus de Rarotonga, on est tout d’abord porté à penser que la population entière doit être identique à celle des points que je viens de nommer. Cette population présente en effet un certain nombre de traits qui la rattachent incontestablement à la grande famille polynésienne ; mais elle possède aussi ses caractères propres que tous les voyageurs ont constatés. En particulier, c’est dans les Îles-Basses qu’on rencontre les tribus les plus foncées, à cheveux parfois crépus, à traits grossiers. Toutes ces particularités accusent le mélange d’une forte proportion de sang noir[2] : bien que les termes de comparaison linguistique soient encore insuffisans, la philologie semble devoir conduire à la même conclusion ; mais de quelle contrée habitée par les noirs provient l’élément étranger mélangé ici au sang polynésien ? Nous n’avons à cet égard qu’une seule donnée, qui résulte de la forme et du mode de construction des pirogues. Sous ce double rapport, les embarcations employées dans tout l’archipel dont il s’agit rappellent non pas celles de leurs voisins les Tahitiens, mais bien celles des Carolins

  1. On sait que cet ensemble est généralement considéré comme décomposé en trois groupes, l’archipel Paumotou ou Dangereux, les Îles-Basses, et le petit groupe des îles Gambier ; celles-ci forment l’angle sud-est extrême de la Polynésie.
  2. Il est à remarquer que par un séjour prolongé dans les grandes lies, et sous l’influence d’une nourriture plus substantielle, les habitans de ces archipels prennent un teint plus clair. Cette action du milieu est mentionnée par plusieurs voyageurs, en particulier car M. Mœrenhout.