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Depuis l’exécution de Borjès (décembre 1861), aucun partisan ne s’est plus montré dans l’intérieur de l’ancien royaume. Le brigandage y put prendre ses coudées franches sans être gêné par les scrupules de la faction qui aurait voulu le discipliner et le moraliser. Aussi, depuis lors, toute la conspiration royaliste ne fut-elle plus qu’une honteuse spéculation, non pas au profit, mais aux dépens du prince déchu qu’il s’agissait de rétablir sur son trône. Les procès publics des conspirateurs plus ou mieux sérieux arrêtés en divers temps par la police et jugés par les cours d’assises ont révélé toutes les vulgaires escroqueries qui se commettaient à Naples et à Rome sous prétexte de royalisme et de nationalité. Tantôt c’était un prélat qui organisait des souscriptions pour la bonne cause et qui en dépensait le produit en petits soupers dans une villa du Pausilippe avec des faquins et une fille de joie, tantôt c’était un industriel quelconque promettant au roi une armée de quatre-vingt mille hommes, si on lui envoyait beaucoup d’argent, de fusils et de décorations, tantôt un immense complot aboutissant à jeter dans les rues, devant les théâtres ou dans la cour des palais de gros pétards dont l’explosion effrayait les femmes. D’autres fois quelques placards étaient affichés nuitamment, quelques imprimés séditieux étaient jetés dans les carrefours; le plus souvent les agitateurs se bornaient à répandre d’absurdes nouvelles : une levée de boucliers dans le nord, l’entrée des Français dans la terre de Labour ou des Autrichiens dans les Abruzzes, que sais-je encore? C’était pour obtenir ces résultats qu’on entretenait des comités partout : chaque chef-lieu de province avait le sien, dépendant de celui de Naples, et celui de Naples obéissait à celui de Rome; il y avait une hiérarchie de conspirateurs, des degrés d’affiliation, toute une fantasmagorie maçonnique, des épreuves, des sermens, des gestes mystérieux; il y avait surtout (c’était l’important) des centaines d’agens soudoyés, sans compter les prêtres, et tout l’argent de Rome s’en allait ainsi, pièce à pièce, dans les poches de misérables intrigans sans foi ni loi. Le conspirateur faisait son métier d’un côté, le brigand de l’autre, chacun pour son compte et à son profit. Il existait bien quelques rapports entre eux : les comités enrôlaient des hommes, donnaient des avis, prodiguaient les excitations et les encouragemens; mais ces rapports étaient si minces, si décousus, qu’on n’en a jamais pu découvrir parfaitement la trace. Parmi les liasses de papiers saisis dans les maisons suspectes ou sur les bandits arrêtés, on a trouvé beaucoup d’hyperboles, de cadres fantastiques et de burlesques énormités destinées à tromper la crédulité du roi ou l’ignorance du peuple, mais jamais rien qui révélât clairement des intelligences suivies entre les hommes qui manœuvraient dans les villes et ceux qui se battaient dans les bois. Aux frontières seulement, il y