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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 57.djvu/1024

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groise une royauté consentie, une monarchie limitée. Si l’accord peut se conclure, les meilleurs patriotes de Hongrie n’hésiteront point à accepter des amendemens aux dispositions de leurs vieilles lois, qui ne sont plus compatibles avec l’époque actuelle. Ce qui est évident d’après les correspondances de Pesth, c’est que des deux parts on veut le rapprochement, on est pénétré de l’esprit de conciliation et l’on croit toucher à une ère nouvelle. Il y a bien un doute qui ça et là surnage, la crainte qu’au sein du cabinet une influence trop germanique, et que les Hongrois regardent comme leur étant hostile, ne réussisse à neutraliser les bonnes dispositions de l’empereur. Nous espérons, quant à nous, que c’est cette influence qui sera paralysée. Si la réconciliation s’opère, l’empereur d’Autriche y gagnera sans doute beaucoup : il aura fait là une campagne plus utile aux intérêts de sa puissance que celle des duchés, il aura noué au cœur même d’un des plus valeureux de ses peuples une alliance intime qui vaut mieux que toutes les compensations que l’Autriche pourrait solliciter ou espérer de la Prusse ; mais la Hongrie aurait à tirer, elle aussi, grand profit de cet heureux changement. En s’unissant à l’empereur, la Hongrie prendra certainement une large part dans le gouvernement constitutionnel de l’empire. La Hongrie, les événemens de l’histoire et la géographie l’ont ainsi voulu, ne peut entrer en relations avec l’Europe qu’à travers le système autrichien ; en acceptant cet intermédiaire, la Hongrie le pénètre, s’en empare, et peut donner la main à l’Europe libérale. C’est donc une belle occasion qui s’offre à elle aujourd’hui, et personne ne la blâmera, si elle ne la laisse point échapper.

En Prusse, M. de Bismark est toujours en scène. Cet homme d’état intéresse les spectateurs étrangers par la singularité de ses mouvemens. On est frappé de la vivacité et du contraste de ses actes. A de certaines heures, il a l’aspect d’un homme d’état tout à fait moderne ; en d’autres momens, il a l’air d’un ministre gothique, et on lui décernerait volontiers, en guise de couronne, une perruque à marteaux. Après telle action de lui qu’on est forcé de blâmer absolument, vient de sa part telle démarche que l’on approuverait de bon cœur. Nous n’avons plus à parler de sa politique à propos du Slesvig-Holstein ; nous la laissons apprécier par les grands politiques qui ont déployé tant d’habileté et de finesse pour laisser écraser le pauvre Danemark, et qui doivent être aujourd’hui très fiers en effet d’avoir si bien travaillé pour le roi de Prusse. M. de Bismark vient de compliquer d’une algarade personnelle le lent et incompréhensible imbroglio qu’il joue avec la seconde chambre prussienne. La chambre a rejeté son projet d’emprunt pour les dépenses de la campagne des duchés et n’a point approuvé ses plans maritimes. On sait que depuis 1848 l’idée d’avoir une flotte fédérale est le jouet favori du libéralisme allemand. M. de Bismark montre le jouet et promet Kiel, pensant devenir populaire ; à d’autres ! on ne veut pas une marine de sa façon, et la chambre, sur la propo-