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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 57.djvu/13

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difficile à parcourir : la chaussée étroite et sinueuse, presque toujours taillée dans le roc, était ravinée par les torrens et en plus d’un endroit minée par la mer, très violente dans ces parages ; Paula fit choix de celle-ci, qui était la route ordinaire des pèlerins, tandis que l’autre était celle des marchands. Les voyageurs prirent congé de l’évêque Paulin, qu’ils ne devaient plus revoir, et sortirent d’Antioche du côté de Daphné, ce bourg fameux par ses impurs mystères, et que nos pèlerins ne traversèrent qu’avec horreur. Les hommes s’étaient munis de montures à leur guise, chevaux, ânes ou chameaux ; les jeunes filles étaient probablement portées en litière. Quant à Paula, elle avait choisi un âne, malgré la dureté de l’allure. « C’était merveille, dit l’historien de ce voyage, qui n’est autre que Jérôme lui-même recueillant ses souvenirs en face d’Eustochium, c’était merveille de voir assise et trottant sur ce rude animal la matrone délicate qui ne marchait naguère que soutenue sur les bras de ses eunuques. »

Ils traversèrent rapidement la Syrie maritime. En Phénicie, Béryte ne les arrêta pas : quelle chose pouvait leur plaire dans cette colonie romaine, école trop fameuse de jurisconsultes persécuteurs du Christ ? La première étape de leur pèlerinage chrétien fut, au-delà de Sidon, la tour de Sarepta, plantée, comme un observatoire, au-dessus de la mer. Cette tour avait été jadis la retraite du prophète Élie pendant une longue famine, et c’est là que la pauvre veuve louée par l’Écriture avait nourri l’homme de Dieu d’un gâteau de farine et d’huile qui se renouvelait chaque jour. A leur arrivée à Tyr, les voyageurs coururent d’abord sur la plage où l’apôtre Paul s’était agenouillé avec ses frères quand il débarqua de Tarse pour se rendre à Jérusalem : ils s’y prosternèrent aussi en pressant de leurs lèvres le sable sanctifié. Ptolémaïs, que les Syriens appelaient Acco, et qui porte encore aujourd’hui le nom d’Akka ou Acre, leur présenta d’autres souvenirs de l’apôtre Paul, parti de cette ville pour les prisons de Jérusalem : ils ne la purent laisser qu’à regret. Ils côtoyèrent ensuite la mer autour du promontoire boisé que projette dans la Méditerranée la grande montagne du Carmel. Ce mont fameux était chez les poètes israélites le symbole de la fécondité en opposition à la stérilité, qui avait pour image le désert. « Un jour viendra, disait Isaïe dans un de ses chants prophétiques, où le désert prendra la beauté du Carmel et revêtira les roses de Saron. » Du pied de la montagne qu’ils longeaient, ils purent distinguer, au milieu des pâturages entourés de forêts, les grottes blanches qui avaient servi de retraite au prophète Élie, et les saluèrent sans doute avec respect. L’antique ville de Dor, au midi de cette chaîne, leur présenta des ruines devant lesquelles