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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 57.djvu/230

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surpassait de beaucoup, par le rétablissement de la religion, l’importance du concordat passé entre François Ier et Léon X.

A quatre heures précises, comme il était convenu, l’abbé Bernier arriva en effet, un rouleau de papier à la main, qu’il dit être la copie du concordat à signer ; Consalvi prit sa copie, et l’on se rendit chez Joseph. L’accueil du frère de Bonaparte au cardinal fut des plus courtois. Comme Bernier, il répéta : « Nous en finirons vite, n’ayant rien autre chose à faire que de signer, puisque tout est terminé. » Après quelques prétentions à signer le premier mises d’abord en avant par Joseph, puis retirées de fort bonne grâce, on mit la main à l’œuvre, et Consalvi tenait déjà la plume, quand il vit l’abbé Bernier, tirant de son rouleau la copie qu’il avait apportée, la lui offrir comme pour la faire signer sans examen. Quelle ne fut pas sa surprise lorsque, jetant machinalement les yeux sur les premiers mots, il en vint à s’apercevoir que ce traité n’était en aucune façon celui dont les commissaires respectifs étaient convenus entre eux et qui avait été accepté par le premier consul ! C’était un autre concordat tout différent. Non-seulement cet exemplaire contenait le premier projet que le pape avait refusé d’accepter ; mais on l’avait encore modifié en plusieurs endroits, on y avait même inséré certains articles déjà nombre de fois rejetés par la cour de Rome comme entièrement inadmissibles. Grand fut l’émoi de Consalvi en s’apercevant d’un si incroyable procédé ; et tout de suite il déclara nettement qu’à aucun prix il ne pouvait accepter une rédaction contraire à tout ce dont on était précédemment contenu. L’étonnement de Joseph ne parut pas moins grand que le sien. Il arrivait de la campagne ; le premier consul lui avait dit que tout était réglé et arrêté d’avance. Il ne savait rien du fond de l’affaire, et s’était cru appelé pour légaliser des conventions admises déjà de part et d’autre. Tout cela paraissait dit de la meilleure foi du monde. L’autre personnage officiel, Cretet, en affirmait autant ; il protestait ne rien savoir au monde et ne pouvoir admettre les assertions de Consalvi sur la différence des rédactions, jusqu’à ce qu’on l’eût démontrée par la confrontation des deux copies. Bernier seul gardait un silence étudié. Sommé enfin par le cardinal de vouloir bien s’expliquer sur une chose qu’il savait si pertinemment, il avoua d’un air confus que c’était bien la vérité, « mais ; continua-t-il en balbutiant, le premier consul l’avait ainsi ordonné en l’assurant qu’on est toujours maître de changer tant qu’on n’a pas signé. D’ailleurs, toutes réflexions faites, il exige ces articles parce qu’il n’est pas content des stipulations arrêtées. »

On devine combien il était facile à Consalvi de combattre une pareille théorie : il la repoussa avec indignation ; mais ce dont il